Théâtre des Champs-Elysées : une saison 2018-2019 riche et éclectique

La salle du Théâtre C) Hartl Meyer

On sait désormais à quoi s'attendre dans deux des lieux les plus prestigieux de la capitale: de prochaines saisons riches évidemment en belles découvertes, avec leur lot de surprises et de classiques revisités. Recension.

 

C'est le lieu le plus éclectique de Paris, au meilleur sens du terme: le Théâtre des Champs-Elysées. L'établissement plus que centenaire de l'avenue Montaigne aborde tous les genres, piano, musique de chambre, récitals de voix, orchestres, opéras en concerts, opéras mis en scène, messes et Passions. Michel Franck, son directeur (que le conseil d'administration du théâtre a invité à poursuivre la programmation artistique jusqu'en 2025!)), se félicite des 180 levers de rideau par an (compter la trêve d'été, les nécessaires jours de relâche...et calculez les soirs où on ne joue pas: ils se comptent sur les doigts d'une seule main!)

Une "Traviata" vierge, Gluck et Richard Strauss

De cette programmation si riche on retiendra d'abord les opéras mis en scène, à commencer par "Traviata". Encore Violetta? Oui, mais mise en scène par Deborah Warner, qui a demandé à Franck et son équipe une chanteuse vierge. Entendons: vierge du rôle. Casse-tête. C'est finalement Vannina Santoni qu'on entendra. Elle a la tessiture, on l'avait remarqué dans "Carmen" en Frasquita, il faudra qu'elle est, de Violetta, le souffle infini et l'endurance. Le ténor albanais Saimir Pirgu sera Alfredo et Laurent Naouri Germont.

Monté par Katie Mitchell, "Ariane à Naxos" de Richard Strauss où Kate Lindsey sera le compositeur. L' "Iphigénie en Tauride" verra Robert Carsen (après Warlikowski à l'Opéra) s'y essayer, le jeune chant français en sera la vedette (Gaëlle Arquez, très défendue par Michel Franck, et Stéphane Degout) sous la direction de Thomas Hengelbrock qui vient de triompher dans la version dansée d' "Orphée et Eurydice" du même Gluck à Garnier.

"Iphigénie en Tauride" mise en scène par Robert Carsen C) Robert Kusel

Une "Carmen" pour les enfants, "Candide" de Bernstein, un Offenbach inconnu...

L'opéra pour enfants sera "Carmen". Ah! bon? Oui mais "Une Carmen, étoile du cirque" qui mêlera peut-être chanteurs et circassiens: intrigant...

De la vingtaine d'opéras en version de concert, souvent avec des distributions de prestige, on retiendra quelques raretés: le "Candide" de Leonard Bernstein (avec Sabine Devieilhe et Anne Sofie von Otter), "L'enfance du Christ" si peu donné de Berlioz pour le 150e anniversaire de sa mort (avec Stéphanie d'Oustrac), "Arabella" de Richard Strauss avec Anja Harteros et un Offenbach inconnu, "Maître Péronilla" avec une distribution toute hexagonale menée par Véronique Gens.

DiDonato, Florez, quatre Haendel, Lully, Rameau...

Joyce DiDonato chantera la "Marie Stuart" de Donizetti, Juan Diego Florez sera Des Grieux dans "Manon" de Massenet. Et une grande place sera donnée aux soirées baroques: Haendel ("Serse", "Rodelinda", "Semele", "Agrippina" avec encore DiDonato), Lully ("Armide" et de nouveau Véronique Gens), Rameau ("Hippolyte et Aricie"), Monteverdi ("L'Orfeo") Une curiosité enfin... ou un pari: Leo Nucci, 76 ans, sera le "Nabucco" de Verdi en novembre.

De grands chanteurs en récital

On n'oubliera pas les purs récitals de chant: Barbara Hendricks, Jonas Kaufmann, Nadine Sierra, Jaroussky, Crebassa (avec Fazil Say) dans les mélodies françaises. Et Petibon, Piau, Kozena, Alagna et madame (Kurzak) ou Pretty Yende. Ainsi qu'Elsa Dreisig, chanteuse elle aussi très suivie par Michel Franck.

La maquette du décor d' "Ariane à Naxos" D.R.

Des orchestres du Brésil ou de Turquie

Parlons orchestres. Deux découvertes à faire: en octobre l'orchestre du Minas Gerais avec le plus grand pianiste du Brésil, Nelson Freire, qui jouera son compatriote Villa-Lobos ("Momoprecoce") et les "Nuits dans les jardins d'Espagne" de Manuel de Falla. En décembre l' "Orchestre Philharmonique Borusan d'Istanbul" dans un programme idiomatique avec Nemanja Radulovic dans le "Concerto pour violon" de l'Arménien Khatchatourian.

Philharmonique de Vienne, de Londres, de Saint-Pétersbourg

D'autres, habitués: le si prestigieux "Philharmonique" de Vienne, dirigé en octobre par Gergiev dans un programme Prokofiev et en juin par Mariss Jansons ("1e symphonie" de Schumann et la "Fantastique" de Berlioz). Le Philharmonia de Londres (Salonen en octobre, Paavo Järvi avec Vadim Repin en mai), le Philharmonique de Londres (Robin Ticciati), celui de Saint-Pétersbourg (qui invite Boris Berezovsky), le Mahler Chamber avec Leif Ove Andsnes au piano (symphonie de Haydn, concertos de Mozart)

Une jeune Lituanienne avec Yuja Wang

Et une dame au milieu de tous ces messieurs, la brillantissime jeune Lituanienne Mirga Grazinyte-Tyla avec son orchestre de Birmingham et... la flamboyante Yuja Wang. La rencontre promet entre ces musiciennes de tempérament (en mai)

Et l'orchestre national, les Lamoureux, l'orchestre de chambre de Paris, qui poursuivent leur collaboration ponctuelle.

La "coursive" du théâtre C) Hartl Meyer

Quels pianistes: Sokolov, Kissin, Lugansky, Debargue...

Le Théâtre des Champs-Elysées, si grand théâtre ("plus grand en nombre de places, nous confiait Michel Franck, que l'Opéra-Garnier ou le Théâtre du Châtelet"), et au sentiment si intime, de sorte que les pianistes l'adorent. Défileront donc Matsuev, Anderszewski, Sokolov, Andsnes (en récital!), Kissin, Leonskaja, Lugansky, Berezovsky, Volodos, Pennetier ou Chamayou, les récentes étoiles Debargue ou Ghraichy et, encore à mieux connaître chez nous, Igor Levit, Kit Armstrong ou Sunwook Kim.

Et Capuçon, Edgar Moreau, le prodige Lozakovich

Et comme les violonistes seraient jaloux, ils ont droit à leurs soirées: Renaud Capuçon (avec David Fray), Isabelle Faust (une intégrale sonates-partitas de Bach!), les inévitables soeurs Berthollet, Nigel Kennedy ou le prodige de 17 ans Daniel Lozakovich. Et Edgar Moreau pour le violoncelle, ainsi que les Wanderer.

Un cycle Brahms (toute la musique de chambre) courra sur toute l'année, mené par Nelson Freire, Renaud Capuçon, Edgar Moreau, Nicholas Angelich ou Elizabeth Leonskaja.

Les superbes "dimanche matin" de 11 heures

Sans compter les incontournables concerts du dimanche matin: "L'histoire du soldat" de Stravinsky par les Comédiens-Français (Sandre, Podalydès et Vuillermoz), Nelson Goerner, Jonathan Biss,  Adam Laloum et Julien-Laferrière en piano-violoncelle, Fazil Say, le Quatuor Modigliani, Jean Rondeau, le Concerto Italiano ou Benjamin Grosvenor. Ainsi qu'un "petit" Rossini ("L'occasion fait le larron") dirigé par le vétéran Jean-Claude Malgoire.

Pas sûr d'avoir passé en revue les 180 "levers de rideau" mais au moins une grande moitié...