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"Fanny et Alexandre" : l'ode au théâtre d'Ingmar Bergman à la Comédie-Française

"Le théâtre est mon métier, le cinéma ma vocation" disait Ingmar Bergman qui monta une centaine de pièces et réalisa une quarantaine de films. "Fanny et Alexandre", considéré comme son œuvre testament, est à la fois un roman de sa plume, une série télévisée, un film (1982) et une pièce. La version qu’en donne la Comédie-Française, salle Richelieu, s’abreuve à toutes ces sources avec merveille.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Denis Podalydès dans "Fanny et Alexandre" d'ingmar Bergman à la Comédie-Française
 (Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française)

Bergman entre au Français

Avec "Fanny et Alexandre" mis en scène par Julie Deliquet, Ingmar Bergman entre au répertoire de la Maison de Molières. Ce n’est pas une mince affaire, s’agissant d’un texte décliné en quatre versions – romanesque, télévisuelle, cinématographique et théâtrale -, que la metteure en scène et les traducteurs ont entremêlées pour être au plus proche de l’œuvre complète. Une œuvre à la fois intime, car en partie autobiographique, mais aussi mélodramatique, dans laquelle Bergman déclare son amour du théâtre.
"Fanny et Alexandre à la Comédie-Française
 (Brigitte Enguérand, collection Comédie-Française)
En 1907 à Stockholm, la famille Ekdhal, dynastie de comédiens et propriétaire d’un grand théâtre de la capitale suédoise, fête Noël dans la liesse avec leurs amis et serviteurs, sous la houlette de l’aïeul Héléna. Parmi eux, les enfants de son fils Oscar et d’Emilie - Fanny et Alexandre - rêvent de monter sur les planches. Peu après, Oscar meurt lors d’une répétition d’Hamlet. Héritière du théâtre, Emilie abandonne sa direction pour se remarier avec l'évêque puritain Edvard qui l’oblige à couper les ponts avec sa vie passée. Elle habite désormais avec ses enfants dans son lugubre presbytère, aux côtés de sa sœur, sinistre, et de sa servante qui les espionne. Cet époux sévère va dévoiler sa nature sadique et perverse…

Une éthique théâtrale

La conversion d’Emilie au puritanisme de son deuxième mari correspond au passage du faste libertaire du monde du théâtre à une quête de ce qu’elle croit être la Vérité, avec un grand "V". Cette ascèse pour atteindre le spirituel auquel elle aspire va s’avérer le pire des mensonges. Ses enfants, Fanny et Alexandre, en seront, avec elle, les victimes. Ainsi la première partie de la pièce située dans les coulisses du théâtre familial, ici ceux de la salle Richelieu, renvoient à une réalité plus tangible (vraie) que le décor illusionniste du presbytère luthérien (faux). Les jeux entre fiction et réalité sont au cœur de "Fanny et Alexandre". Les dernières lignes de la pièce prononcées par Héléna, l’ancêtre, pourraient synthétiser l’éthique du théâtre (et du cinéma) selon Bergman. A ses yeux la dramaturgie se situerait au croisement du réel et de l’imagination, pour ouvrir sur un ailleurs émancipé : "Tout peut arriver, tout est possible, probable. Le temps et l’espace n’existent pas. Sur une toile de réalité insignifiante, l’imagination tisse de nouveaux motifs".

La mise en scène de Julie Deliquet dans ce jeu entre les cintres du théâtre des Ekdhal/salle Richelieu et la reconstitution illusionniste du presbytère, colle aux intentions de Bergman. Le texte est porté par une troupe du Français enthousiaste, qui serait à l’image de celle que composent les Ekdhal. Denis Podalydès en Oscar virevoltant, Laurent Stocker en Carl, son truculent successeur à la tête du théâtre, Dominique Blanc en Héléna, incarnation de la mémoire et de la pérennité du théâtre, Thierry Hancisse sous la défroque du puritain Edvard, Elsa Lepoivre en une Emilie éperdue… tous sont au diapason. La vie transpire sur scène, tout comme un amour absolu du spectacle, source d’un bonheur unique.

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