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A la Comédie-Française une "Locandiera" de Goldoni drôle et amère

A la Comédie-Française, Alain Françon propose une "Locandiera" de Goldoni qui en respecte les ombres et les lumières. La pièce du Vénitien est portée par une très belle distribution où brille dans le rôle-titre Florence Viala.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Florence Viala et Stéphane Varupenne dans "La Locandiera"
 (Christophe Raynaud de Lage/Comédie-Française)

La belle aubergiste Mirandolina, femme du peuple très courtisée, sait ménager ses illustres clients : un marquis sans le sou (Michel Vuillermoz) et un comte parvenu (Hervé Pierre). Mais la voilà décontenancée, puis piquée au vif, lorsque débarque le chevalier de Ripafratta (Stéphane Varupenne), un goujat qui ne cache pas son mépris des femmes. Avant de s’engager avec Fabrizio, le fidèle valet de l’auberge (Laurent Stocker) auquel son père l'a promise, elle va se venger de l’arrogance du chevalier misogyne en le rendant fou d’amour.

  (Christophe Raynaud de Lage/Comédie-Française)
De cette très jolie pièce de Goldoni, Alain Françon met en lumière le comique de situation mais aussi toutes les ombres et la cruauté. Michel Vuillermoz compose un très drôle et pathétique marquis désargenté, pleutre, radin et fier de son rang : "Je suis qui je suis". Hervé Pierre réussit la prouesse d’être à la fois vulgaire et touchant. Leur duo, fil rouge de la pièce, fonctionne à merveille en décrivant aussi, en ce milieu du 18e siècle, un monde aristocratique en déclin.
  (Christophe Raynaud de Lage/Comédie-Française)

Florence Viala est Mirandolina : perspicace, habile et désespérée

Mais c’est à Mirandolina que Goldoni réserve toute son attention et Alain Françon parvient à mettre en lumière les mille facettes du personnage. Une femme digne, perspicace et habile, qui pourrait bien dans le piège qu’elle tend par orgueil au chevalier, y laisser quelques plumes. Elle est incarnée avec gouaille et finesse par Florence Viala. Il y a dans son jeu tout le charme et le dynamisme souhaités mais aussi ce petit quelque chose de désespéré. En étant attirée par ce chevalier, ne risque-t-elle pas de se heurter aux conventions sociales de l’époque qui lui interdisent à elle, femme du peuple, de suivre les inclinaisons de son cœur ?
 
Stéphane Varupenne, qui acquiert une vraie stature au fil des spectacles, est ce chevalier impulsif aux idées bien arrêtées, aussi détestable qu’attachant. Laurent Stocker est absolument formidable en Fabrizio, valet lucide et déprimé, qui attend son heure. Il fait tout passer rien qu’en traversant l’immense couloir nu où les personnages, chacun à leur tour, expriment leurs doutes et peuvent enfin se montrer en toute vérité : belle idée de mise en scène ! Noam Morgensztern est hilarant en serviteur maladroit du chevalier, fou amoureux lui aussi de l’aubergiste.
  (Christophe Raynaud de Lage/Comédie-Française)

Entre rire et amertume

Alain Françon trouve le juste équilibre entre le rire et l’amertume. De cette "guerre des sexes", les personnages semblent sortir rincés, exténués. La dernière image du valet Fabrizio et de Mirandolina, de dos, contemplant Florence à peine esquissée par la fenêtre d’un grenie,r ne laisse aucune illusion. En ce temps-là chacun, malgré tous ses efforts, retourne à sa condition en faisant son devoir avec résignation et douleur. C’est aussi la leçon de Goldoni, cruel moraliste et si lucide sur la société de son temps.  
  (Christophe Raynaud de Lage/Comédie-Française)
 

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