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Le Mans : des fouilles archéologiques pour mieux connaître le vieux centre-ville

La ville du Mans possède de nombreux édifices anciens. Notamment une imposante enceinte romaine, unique en son genre, qui pourrait être classée au Patrimoine mondial de l’Unesco. Des fouilles archéologiques, menées en 2017 et 2018 au pied de la cathédrale, vont permettre d’en savoir un peu plus sur ces édifices. Et, au-delà, sur l’histoire deux fois millénaire de la cité.
Article rédigé par franceinfo
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L'opération archéologique autour de la cathédrale du Mans.
 (E. Collado, Inrap)

Ce chantier archéologique, d’une superficie de 2500 m², est exceptionnel par sa taille. "D’une manière générale, c’est assez rare de pouvoir intervenir dans un contexte aussi large sur un centre-ville. Ici, on n’avait jamais autant approché le cœur de la cité", observe Stéphane Augry, archéologue à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et responsable de l’opération.

Les fouilles ont été menées tout autour du chevet gothique de la cathédrale Saint-Julien, bel édifice mi-roman, mi-gothique. Elle ont notamment permis de déblayer la terre jusqu’à 5,30 mètres de profondeur. Résultat : "Nous avons pu retrouver dans leur état d’origine un morceau de 10-15 mètres de l’enceinte romaine, 60 mètres du rempart médiéval et tout le pourtour du chevet gothique", explique Stéphane Augry. Une occasion d’en apprendre un peu plus sur leur construction. "Et de comprendre comment la ville a évolué", souligne l’archéologue.

Les fouilles autour de la cathédrale du Mans ont permis de dégager de montrer de nombreux éléments, oubliés jusqu'à aujourd'hui, du passé de la ville.
 (E. Collado, Inrap)

Guerre de Cent ans

L’équipe de l’Inrap a également dégagé les bases d’une grande salle (300 m²) du palais épiscopal médiéval qui s’appuyait sur la muraille romaine. Ainsi que les fondations d’une chapelle inconnue. Non loin de là, on distingue les restes d’un quartier rasé pour la construction d’un rempart défensif à l’époque de la guerre de Cent ans. Ainsi que les dalles d’une rue du Moyen Age. La destruction du quartier témoigne de la rétractation de la ville dans une période plus que troublée.

Les fouilles ont par ailleurs permis de mettre au jour quelque 500 pierres de bâtiments anciens réemployées ultérieurement. Les archéologues ont ainsi récupéré deux chapiteaux appartenant au transept gothique. Ainsi qu’un autre, d’époque romane (donc de la période la plus ancienne de la cathédrale) : sur ses flancs, une sculpture symbolise curieusement la Passion, avec un monstre en train de dévorer un humain. "Certaines couches archéologiques ont même révélé des déchets de restaurations entreprises au XXe siècle. Mais ces éléments sont en fait des pièces d’origine de la cathédrale !", observe Stéphane Augry. Reste à savoir ce que ces "déchets" faisaient là... En tout état de cause, ces différentes découvertes sont susceptibles d’intéresser les historiens de l’art.
L'enceinte romaine du Mans
 (Ville du Mans)
Dans le même temps, l’opération a mis à jour trois tours de la célèbre enceinte romaine (il y en avait une quarantaine à l’origine), dont l’une conservée sur plus de 5 m de hauteur. A l’origine ouvrage défensif haut de 10 m (il en fait 6 aujourd’hui), construit au IIIe siècle après J.-C., c’est aujourd’hui un monument en excellent état, conservé par pans sur une longueur totale de 1,3 km. Les fouilles permettent de mieux appréhender la structure architecturale de l’ensemble et de préciser les détails de sa construction.

Du haut de deux mille ans d’histoire

Pour saisir toute la beauté du monument, il suffit d’aller de l’autre côté de la vieille ville où l’enceinte antique aux reflets roses regarde de ses deux mille ans d’âge la Sarthe qui coule en contrebas. "La couleur rose est produite par le mortier, fabriqué à partir de tuiles concassées", précise Stéphane Augry.

La décoration de l’ouvrage est très soignée. Les constructeurs ont ainsi alterné moellons de grès et de calcaire, entrecoupés de couches régulières de briques plates. Une alternance très géométrique avec des motifs en V et des éléments floraux stylisés. "La qualité de ces décors est telle que leur authenticité a parfois été remise en cause, notamment à la suite des restaurations du XIXe siècle", explique le responsable d’opérations. Mais leur présence sur le pan de muraille dégagé par les archéologues ne peut que contribuer à faire taire les sceptiques.

Détails de l'enceinte romaine du Mans.
 (Ville du Mans)
L’opération archéologique permet aussi de préciser la fonction du monument. "Contrairement à ce que l’on pensait antérieurement, l’enceinte romaine n’a pas été construite dans un contexte d’urgence sous la pression d’hypothétiques 'invasions barbares'", précise Stéphane Augry. Au-delà de son aspect défensif, la richesse de la décoration semble en effet montrer que l’ouvrage avait aussi une fonction ostentatoire : il s’agissait de le mettre en valeur aux yeux de ceux qui le regardaient.

Une mise en valeur auquel on songe toujours quelque 2000 ans plus tard ! Les élus du Mans souhaitent ainsi faire classer le monument au titre du Patrimoine mondial de l’Unesco. Ils ont donc entamé les démarches nécessaires. "C’est une muraille exceptionnelle qui est une référence scientifique et touristique. Mais pour obtenir le classement, nous devons prouver son caractère authentique et unique", souligne Jacqueline Pedoya, maire adjointe chargée du Patrimoine. Les fouilles archéologiques interviennent donc à point nommé. Mais le parcours du combattant pour l’obtention du précieux et prestigieux label ne fait que commencer : il pourrait durer… 10 ans. Un détail, finalement, pour un monument qui a vu passer tant de choses au cours de sa très, très longue histoire.
Elément de sculpture médiéval découvert lors des fouilles de la cathédrale du Mans.
 (E. Collado, Inrap)

Une conférence, animée par Stéphane Augry, sera consacrée à cette opération de fouilles dans le cadre des Journées nationales de l’archéologie 2018.

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