Une fraternité explosivePour inventer un cocktail molotov politico-musical aussi puissant que Prophets of Rage, on ne pouvait faire mieux qu'acoquiner le groupe Rage Against The Machine, porte-flambeau musical de l'opposition et de l'alter mondialisme durant les années 90, et de Public Enemy, épitome du groupe politique afro-américain. Avec, pour faire bonne mesure, la verve et la fantaisie latino de B-Real de Cypress Hill, une formation qu'on ne peut pas qualifier d'engagée au-delà de son militantisme pour l'usage récréatif du cannabis. Une machine de guerreCréé à Los Angeles durant la dernière campagne américaine pour la présidentielle en 2016, Prophets of Rage est une machine de guerre : ce "super groupe" n'a cessé de sonner l'alarme du risque de l'avènement de Donald Trump. Sillonnant le pays durant une tournée très politique baptisée "Make America Rage Again" ("Enragez à nouveau l'Amérique", jeu de mots sur le slogan de Trump), cette alliance au sommet de la musique engagée a perdu son premier combat : le leader républicain à la mèche orange a été élu il y a tout juste un an. Le groupe, qui est constitué des rappeurs Chuck D (Public Enemy) et B-Real (Cypress Hill), propulsés par la guitare de Tom Morello, la basse de Tim Commerford et la batterie de Brad Wilk (c'est à dire Rage Against the Machine sans son chanteur Zack de la Rocha), augmentés des scratches aux platines de DJ Lord de Public Enemy, n'abandonne pas pour autant la lutte. Un album sorti en septembreProphets of Rage a sorti son premier album à la mi-septembre, une raclée furibarde de metal-hip-hop en fusion. Et une nouvelle charge féroce en douze titres contre le capitalisme, le racisme, le pouvoir et tous les visages de l'oppression. Sur cet album coup de poing lesté de lourdes lignes de basse et de riffs de guitare castagneurs, le sextet ne fait pas dans la dentelle et semble vouloir lever une armée de résistance. "Faites les taire", "La fête est finie", "Salut au voleur", "Mains en l'air" : les titres à eux seuls en disent long.Sur tout l'album, et en particulier sur la déflagration "Unfuck The World", les deux mc's B-Real et Chuck D se relaient pour appeler à l'unité et galvaniser les foules. Contre les inégalités et l'abandon des sans-abri ("Living on the 110", du nom d'une autoroute de Los Angeles), contre le contrôle des esprits par le pouvoir ("Hail to the Chief"), contre la banalisation des drones intrusifs ("Take Me Higher") et bien sûr pour le droit à fumer de l'herbe ("Legalize it"). Sur scène, un set sismique autour des hits de RATMMais c'est sur scène que cette escouade de fortes têtes est la plus puissante. Ils y jouent une belle poignée de brûlots de leur album, mais encore davantage de titres de Rage Against The Machine, comme les impérissables "Take The power Back", "Testify", "Bulls on Parade" et "Killing In The Name". La reprise de "Prophets of Rage" de Public Enemy ouvre généralement le show, et un titre de Cypress Hill augmenté d'un petit medley hip-hop se fraient un bref passage au milieu de cette setlist inflammable. Au Hellfest où il se produisait en juin, le groupe a fait forte impression. Le public de metal heads, pourtant rompu aux secousses, a salué un set "démentiel" et "redoutablement efficace". Si l'entrée dans la saison froide a tendance à vous ramollir, les Prophètes de la Rage ont le remède pour vous : une arme de réveil massive dont ils ont le secret.Le Live de Prophets of Rage est à suivre en direct vendredi 10 novembre à partir de 21h15