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L'Album Blanc des Beatles fête ses 50 ans : 10 choses à savoir sur ce chef-d'œuvre

L'Album Blanc, pièce maîtresse de la discographie des Beatles, fête ses 50 ans ce mois-ci. Comment sont nées et de quoi parlent quelques-unes des trente chansons de ce double album qui tourne le dos au psychédélisme de "Sgt. Pepper" ? Et quels étaient les signes de la désintégration en sourdine des Fab Four ? Dix choses à savoir pour souffler dignement les 50 bougies de ce chef-d'œuvre.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Les portraits glissés dans l'album The Beatles dit "L'album Blanc", de John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr en 1968.
 (John Kelly/ Apple / Universal Music)
1.
Un album né en Inde

Ce double album, l'un des premiers de l'histoire, annonce le retour au rock et marque la fin de la période psychédélique des Beatles, dont "Sgt.Pepper" était l'apogée l'année précédente. L'Album Blanc est pourtant né en Inde. Sur une suggestion de George Harrison, le groupe s'envole avec femmes et amis en février 1968 pour Rishikesh, situé au nord de l'Inde, aux pieds de l'Himalaya. Il s'agit d'y suivre les enseignements du Maharishi Mahesh Yogi, qui consistent principalement en de longues méditations transcendantales. Livrés à eux-mêmes, coupés des drogues, Paul, John, George et Ringo n'ont rien d'autre à faire que composer. 

Reportage par Laurent Hakim / E.Cornet / W.Kamli T.Breton / P.Aziza / P .Grandouiller/ M.Varona / M.Munilla / M.Gioka

2.
Donovan a enseigné la technique du 'picking' à John

Sur place, en Inde, les Fab Four disposent de peu d'instruments, à part des guitares. Mais dans leurs bagages, ils ont emmené leur entourage. Leur ami musicien Donovan, dont le goût pour la spiritualité n'est pas étranger à l'intérêt des Beatles pour la méditation, est du voyage. C'est lui qui apprendra le "picking" à George Harrison et à John Lennon. Ce dernier utilisera cette technique particulière de jeu venue du blues et de la country sur "Julia" et "Dear Prudence", composées sur place. 

3.
Qui sont Martha, Julia et Prudence, dont les chansons portent les noms ?

A qui s'adressent les mots d'amour de "Martha My Dear", écrites par Paul McCartney ? A sa chienne Martha, un bobtail alors âgé de trois ans. Et qui est "Julia" la plus douce ballade jamais écrite par John Lennon ? Sa mère, disparue tragiquement dans un accident lorsqu'il était adolescent. Quant à la Prudence de "Dear Prudence", il s'agit de la sœur de l'actrice Mia Farrow. Les deux jeunes femmes se trouvaient déjà à l'ashram de Rishikesh à l'arrivée des Beatles. Un peu extrême, Prudence était enfermée en méditation depuis trois semaines. John composa cette chanson pour tenter de l'en extraire : "Chère Prudence, ne veux-tu pas sortir jouer ?", demande-t-il.

4.
"Revolution" marque l'entrée en scène de Yoko Ono

"Revolution" est un cas. Il s'agit de la première chanson des Fab Four à être sortie en trois versions différentes : "Revolution 1" et "Revolution 9" figurent sur l'Album Blanc et "Revolution" se retrouve en face B de "Hey Jude", sorti quelques semaines plus tôt. Dans ce titre, John Lennon veut donner son avis sur la guerre du Vietnam mais il le fait maladroitement et se prononce sur la révolution de façon ambigüe, refusant de choisir entre en être ou pas, ce qui lui sera vivement reproché par les milieux de gauche. Mais cette chanson marque surtout la première intrusion en studio d'une personne extérieure au quatuor : Yoko Ono, la nouvelle compagne de John Lennon, est constamment là, même malade (!), lors des séances d'enregistrement qui débutent fin mai 68 à Abbey Road. L'artiste expérimentale japonaise n'est pas impressionnée par les Beatles, donne son avis sans retenue et sa présence provoque un malaise diffus au sein du quatuor. Elle va jusqu'à co-signer "Revolution 9", un collage sonore délirant de plus de 8 minutes dont McCartney ne voulait pas sur le Double Album. Non parce que cela lui semblait trop radical comme beaucoup l'ont supposé, mais parce qu'il le trouvait bien en de ça du "Fontana mix" de John Cage paru dix ans plus tôt. Pour Paul, les Beatles se devaient de rester à l'avant-garde et ne pouvaient pas se permettre d'être à la traîne.

5.
"Helter Skelter" entendait surpasser le bruit rock des Who

"Helter Skelter", souvent considéré comme le titre qui a allumé la mèche du hard rock, a été créé en réponse à une chanson des Who. Paul avait lu dans la presse une interview de Pete Townshend des Who assurant que leur nouveau single "I Can See For Miles" était le titre le plus furibard qu'ils aient jamais enregistré. Intrigué mais déçu à l'écoute du morceau, il décida aussitôt de le surpasser. Mission accomplie avec ce "Helter Skelter" bruyant et sauvage dans lequel il évoquait la chute de l'Empire romain.

Le furibard "Helter Skelter" figure en fond sonore pour la bande annonce de la réédition anniversaire de l'album Blanc

6.
Ringo Starr claque la porte en plein enregistrement

L'Album Blanc recèle le tout premier morceau entièrement composé par Ringo Starr : "Don't Pass Me By". Mais, las des tensions qui se font jour en studio et du peu d'attention qui lui est portée, le batteur décide de fausser compagnie au groupe en plein mois d'août. Durant une dizaine de jours, il part rejoindre son ami Peter Sellers sur son yacht en Méditerranée. A son retour début septembre, il est accueilli par une guirlande de fleurs disposée sur sa batterie en guise de bienvenue. A noter que l'enregistrement à Londres, visiblement épuisant, fait alors jeter l'éponge à deux autres pivots : l'ingénieur du son Geoff Emerick lâche l'affaire à la mi-juillet (il reviendra neuf mois plus tard) tandis que leur producteur historique George Martin, dont l'autorité est battue en brèche, les abandonne trois semaines pour les îles éoliennes.

7.
Eric Clapton joue de la guitare sur "While my guitar gently Weeps"

"While My Guitar", l'un des incontournables de l'Album Blanc, est signé George Harrison. De fait, alors que la rupture gronde, les individualités s'affirment sur ce disque. Ringo signe sa première composition avec "Don't Pass Me By" et George offre pas moins de quatre chansons à l'Album Blanc. Pourtant, il dû ronger son frein avec "While My Guitar" à laquelle les autres Beatles portaient peu d'attention. Jusqu'à ce que George ait l'idée de traîner son ami Eric Clapton en studio pour assurer le solo de guitare. Dès lors, Paul, John et Ringo vont se concentrer et terminer la chanson. Une seule prise suffira. Mais il sera ajouté des effets au mixage pour rendre son solo plus "Beatlesque", pour ne pas dire désaccordé… 

8.
Paul à la batterie sur "Back in the USSR" et "Dear Prudence"

Ringo, qui a décidé de prendre le large quelques jours, n'est pas sur "Back in the USSR" ni "Dear Prudence". C'est Paul McCartney qui tient les baguettes sur ces deux chansons. Du coup John est à la basse et George à la guitare sur "Back in the USSR". Autre détail amusant : le titre "I Will" ne comporte aucune ligne de basse. Enfin si, mais ce qui en tient lieu sont des bruits de bouche de Paul…

9.
De quoi causent "Savoy Truffle", "Blackbird" et "Onion Glass" ?

Eric Clapton avait à cette époque (on ignore si c'est encore le cas) un goût prononcé pour les sucreries et le chocolat en particulier, auquel il ne pouvait résister. Ce qui le conduisait régulièrement chez le dentiste pour soigner des caries. Sur "Savoy Truffle", George Harrison se moque gentiment de son ami et cite les différentes confiseries qu'il engloutissait chez lui comme les "Montelimar" et autre "Creme Tangerine". La chanson "Blackbird", écrite par Paul, ne parle pas d'un oiseau mais évoque le combat des noirs américains, et en particulier des femmes afro américaines, contre les inégalités et pour les droits civiques. Quant à "Glass Onion", il s'agit d'un titre ironique de John Lennon à l'adresse des fans qui se faisaient fort de débusquer d'improbables signes et autres sous-textes dans leurs chansons et faisaient courir des rumeurs comme la mort de Paul. Sur "Glass Onion", il prend un malin plaisir à les faire courir...

10.
Une pochette sobre auquel le disque doit son surnom

Connu sous le nom d'Album Blanc ou White Album, ce double album s'appelait en réalité sobrement "The Beatles". Il doit son surnom à sa pochette, tout aussi sobre, signée de l'artiste britannique Richard Hamilton, initiateur du pop art. Il s'agit d'une pochette blanche immaculée juste ornée de l'inscription The Beatles en relief. Ce minimalisme graphique radical, tout sauf ordinaire, prend le contre-pied de la profusion colorée de la pochette de leur précédent album, "Sgt. Pepper". Hamilton a l'idée de numéroter chaque exemplaire, comme on le ferait d'une gravure. Paul obtient gain de cause, au moins pour les premières éditions. Afin d'en offrir un peu plus, Hamilton glisse à l'intérieur un poster avec les paroles imprimées d'un côté et de l'autre un collage. Ainsi que quatre portraits séparés de chaque membre du groupe signés John Kelly, au lieu d'un cliché commun des Fab Four. Un signe avant-coureur de la rupture, qui surviendra deux ans plus tard ? La réédition anniversaire le 9 novembre de l'Album Blanc, augmenté de nombreuses démos, ne chante pas tout à fait le même refrain...

La réédition anniversaire des 50 ans de "The Beatles" (Apple/Universal) sort vendredi 9 novembre en différents formats : l'édition Deluxe (3 CD ou 4 vinyles) contient l'album remixé avec les fameuses "Esher Demos". La version Super Deluxe contient en plus des versions alternatives de chaque chanson.

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