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La mort de Marcel Azzola, légende de l'accordéon et compagnon de route de Jacques Brel

"Chauffe, Marcel, chauffe !" C'était à lui que Jacques Brel s'adressait dans la mythique chanson "Vesoul". L'accordéoniste Marcel Azzola, qui a brillé dans le jazz et a accompagné des légendes de la chanson française - outre Brel - comme Barbara ou Édith Piaf, s'est éteint lundi, ont annoncé à l'AFP son agent Alexandre Lacombe et sa compagne Lina Bossati dans la nuit de lundi à mardi.
Article rédigé par franceinfo - Annie Yanbékian (avec AFP)
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Marcel Azzola le 21 janvier 2010 à Paris, lors d'un concert hommage à Django Reinhardt au Théâtre du Châtelet
 (Denis Lacharme / Sipa)

"Son cœur a lâché", a expliqué Lina Bossati, sa compagne à la ville et à la scène, à l'AFP, la pianiste précisant que Marcel Azzola, alias "Monsieur Accordéon", âgé de 91 ans, était décédé lundi matin chez lui à Villennes-sur-Seine, dans les Yvelines.

Reportage : C. Azzopardi, N. Jauson


C'est le guitariste de jazz Christian Escoudé qui avait annoncé la triste nouvelle sur Facebook lundi soir, suscitant de nombreux hommages et réactions émues sur le réseau social, dans le milieu des musiciens.
En plus d'être un musicien très respecté et admiré, Marcel Azzola était loué pour son élégance, sa gentillesse, sa modestie.

Sa carrière aura été marquée par sa contribution au jazz avec des collaborations entre autres avec Stéphane Grappelli, Didier Lockwood, Patrice Caratini et Marc Fosset, la chanson française dont il a accompagné les plus grands noms à commencer par Jacques Brel, mais aussi le cinéma puisqu'il a pris part à l'enregistrement de nombreuses musiques de films.

Avec lui, l'accordéon s'invite dans le jazz

Marcel Azzola, dont la famille était originaire de la région de Bergame, est né le 10 juillet 1927 à Paris. Ses parents ont quitté l'Italie après la Première Guerre mondiale pour échapper à la montée du fascisme. Après avoir commencé l'apprentissage du violon, le jeune Marcel se tourne vers l'accordéon sous l'impulsion de son père maçon et musicien amateur. Il se passionne pour cet instrument avec son professeur Attilio Bonhommi et remporte son premier concours en 1937. Il a l'occasion d'accompagner la chanteuse Fréhel lors d'un radio-crochet. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s'initie à la musique classique avec l'accordéoniste et pédagogue Médard Ferrero, tout en jouant dans un orchestre.

Après la guerre, Marcel Azzola découvre le jazz et aura l'opportunité de jouer devant le guitariste Django Reinhardt. Pour son instrument l'accordéon, il sert de passerelle vers d'autres genres musicaux, pour le jazz mais aussi le classique. Il entame une collaboration avec le violoniste Stéphane Grappelli qui lui présente par la suite des artistes comme Michel Legrand, Didier Lockwood, Toots Thielemans côté jazz, et Yehudi Menuhin côté classique.
Azzola réalise son premier enregistrement en 1949 et participe la même année à l'enregistrement de "Sous le ciel de Paris" de Piaf. Par la suite, il anime un orchestre de bal, fait beaucoup de tournées, forme un trio avec le contrebassiste Patrice Caratini et le guitariste Marc Fosset... Plus tard, il prendra l'habitude de se produire très régulièrement avec Lina Bossati.

"Un point de mire" pour les accordéonistes

De l'avis des spécialistes de l'accordéon, Marcel Azzola a contribué à faire progresser son instrument d'un point de vue technique et lui a donné un souffle nouveau en "osant le jazz", selon l'expression de Philippe Krümm, responsable du magazine "Accordéon Accordéonistes", cité par l'AFP.
Pour ceux qui sont venus après lui, il demeure une référence : "Il a toujours été un point de mire", affirme Richard Galliano. "Marcel, c'est une figure emblématique pour ma génération", assure Francis Varis. Son jeu tout en nuances, "dans lequel on ne trouvera jamais une trace de vulgarité" - toujours selon les mots de Francis Varis - et son phrasé "avec une dynamique très particulière, très bebop" - selon ceux de Richard Galliano - suscitent la plus grande admiration.

L'accompagnateur des plus grandes gloires de la chanson

Côté chanson française, Marcel Azzola commence à accompagner, à partir des années 50, de grands noms parmi lesquels Boris Vian, Barbara, Gilbert Bécaud, Juliette Gréco, Édith Piaf, Mouloudji et bien sûr Jacques Brel. C'est bien lui, le Marcel du "Chauffe, Marcel, Chauffe !" lancé par Brel dans l'enregistrement d'anthologie de la fameuse chanson "Vesoul" en septembre 1968 (dans la vidéo ci-dessous, Marcel Azzola intervient à partir de 1 minute 20 secondes.
Avec Marcel Mouloudji, Marcel Azzola enregistre en 1976 une anthologie du genre musette intitulée "Et ça tournait". Il aura côtoyé les rois de ce genre musical, dont Tony Murena et Gus Viseur. Il aura fait du bal, suivi le Tour de France et animé plusieurs éditions des fameux Six Jours Cyclistes au Vel'd'Hiv.

Au cours de sa longue carrière, Marcel Azzola a par ailleurs enregistré une centaine de musique de films, dont "Mon Oncle" (1958), "Trafic" (1971) et "Playtime" (1967) de Jacques Tati, ou encore "Le juge et l'assassin" (1976) de Bertrand Tavernier ou "L'emmerdeur" (1973) d'Édouard Molinaro, film dans lequel jouait Jacques Brel. Sa culture classique et sa technique en ont fait un musicien de studio très sollicité.

Un pédagogue engagé

Marcel Azzola, qui a été professeur à l'École de musique d'Orsay durant vingt ans, a milité à partir des années 70, avec ses collègues Joe Rossi, Joss Baselli et André Astier pour la reconnaissance de l'accordéon. Cet engagement a porté ses fruits avec l'inscription de cet instrument au CNSM, le Conservatoire national supérieur de musique, de Paris en 2002.

Depuis des années, Marcel Azzola souffrait de la Maladie de Dupuytren à la main droite. Le mal s'étant aggravé, son activité s'était beaucoup réduite ces derniers temps.

Hommages

Dans la nuit de lundi à mardi, France Musique a posté sur Twitter l'émission "Marcel Azzola 90 & Friends", avec un enregistrement live (en audio et avec des extraits vidéo) d'un concert de prestige capté le 24 juin 2017 à la Maison de la Radio et organisé à l'occasion du 90e anniversaire de l'accordéoniste.
https://twitter.com/mvoinchet/status/1087496453839339520
L'accordéoniste Marc Berthoumieux a rendu un émouvant hommage à Marcel Azzola lundi soir sur Facebook : "Il était beaucoup pour moi. C’était un vrai Gentleman, tout le monde vous le dira. Le meilleur d’entre nous c’est sûr."

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