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"Federigo", Prosper Mérimée à la sauce music-hall, à Lyon

Lorsqu'il écrit "Federigo" en 1829, Prosper Mérimée renverse volontairement les codes et la morale. Le metteur en scène Camille Germser s'est emparé de ce conte subversif en le plongeant dans un univers qu'il chérit : le music-hall. Entre plumes, paillettes et illusions, on traverse l'existence d'un justicier frondeur et irrévérencieux. Un spectacle réjouissant présenté à Lyon.
Article rédigé par Ariane Combes-Savary
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Federigo, un music-hall de poche qui renverse la morale
 (Flora Fanzutti)

Dans sa dernière création présentée au théâtre de la Croix-Rousse jusqu’au 22 décembre, Camille Germser ose tout : un travesti hilarant et flamboyant, des décors en carton dignes d’un film de Georges Méliès, une confusion des époques où la secrétaire de Saint-Pierre s’en remet à Darty pour réparer son interphone défaillant... Ce musicien de formation signe les textes, les musiques et la mise en scène de "Federigo", pièce jouée dans un théâtre au format de poche. Interview de ce metteur en scène qui a fait du music-hall et du cabaret interlope sa marque de fabrique.

- Culturebox : Qu’est-ce qui vous a séduit dans la nouvelle de Prosper Mérimée ?
- Camille Germser : Ce qui m’a plu en première lecture, c’est la fantasmagorie et la fantaisie de ce conte. Mérimée s’est amusé à faire la parodie de ce qu’on appelait dans l’Antiquité et au Moyen-Âge un exemplum, un récit bref qui visait à donner un modèle de comportement ou de morale. L’auteur mélange de la mythologie grecque avec de la religion. Il y a même la mort. C’est vraiment n’importe quoi.

Mais très vite, ce qui m’a emballé par-dessus, c’est la dimension complètement actuelle dans tout ce discours qu’il y a autour de l’argent. La valeur et la place que l’on fait à cette invention qui a complétement corrompu la société humaine.

Charlène Duval interprète tout à tour Marlène Dietrich, Jésur Christ ou même la Mort
 (Flora Fanzutti)

Le music-hall, c'est ma patte
 

- Culturebox : Pourquoi en faire une revue de music-hall ?
- Camille Germser : Le music-hall, c’est ma patte. C’est ce que j’aime et ce dont j’ai envie de m’inspirer pour mettre en forme les choses. Le music-hall est très technique par la dimension musicale évidemment. Il faut que ça emporte les gens, qu’il y ait des effets, des décors, des costumes incroyables. Il faut que ça brille. J’aime faire du théâtre une chose alchimique qui mélange tous les arts de la scène. Autant la technique que les disciplines du comédien : le jeu, le chant et la danse.

La nouvelle de Mérimée est assez courte. Je me suis permis quelques libertés : je l’ai augmentée, je l’ai ficelée, je l’ai enrobée puis j’ai composé les musiques et mis en scène le tout.

J’aime faire du théâtre une chose alchimique qui mélange tous les arts de la scène.

Camille Germser, metteur en scène
Du strass, des paillettes et des décors en carton dignes d'un film de Georges Melies
 (Flora Fanzutti)

- Charlène Duval, grande prêtresse du music-hall parisien, rythme le récit de Mérimée dans une série de personnages qui vont de Marlène Dietrich à Jésus en passant par Saint-Pierre et Pluton. Face à elle, Vincent Heden incarne un Federigo charmeur et impertinent. Comment avez-vous choisi vos comédiens ?
- Habituellement je ne travaille qu’avec des filles… Cette fois-ci les deux comédiens sont assez différents. Vincent Heden est issu du théâtre musical avec une formation d'acteur, de chanteur et de danseur. On sent une chose très précise chez lui. Charlène est plutôt une créature fantastique. Elle est fascinante par son ampleur. C'est une bête de music-hall dans le sens où elle va chercher les gens. Elle est dans un rapport direct avec le public. Elle amène dans l'histoire tout ce jeu de l'illusion et du travestissement.
 
- Que représente pour vous cette création ?
- C’est le plus gros challenge de toute ma vie de théâtre. Avec ma compagnie "La Boulangerie", on a monté d’autres projets beaucoup plus volumineux avec beaucoup plus de monde sur scène mais à chaque fois, dans le cadre de résidences assez confortables avec cinq semaines de répétition.

Là, on était parti sur un petit format mais finalement, la complexité de la mise en scène et des décors nous a rattrapés : la construction dramaturgique avec des numéros musicaux intégrés et cet objet scénographique complètement insensé… On s’est fait dépasser par notre délire mais j’ai la chance d’avoir une équipe technique formidable, dévouée et bienveillante. Tout s’est fait en très peu de temps et avec une énergie folle. Finalement le résultat est plutôt réussi.

> "Federigo", une création présentée au théâtre de la Croix-Rousse de Lyon jusqu'au 22 décembre 2018, puis le 29 janvier 2019 au Théâtre Roger-Barat d'Herblay.

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