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"Devos en musique(s)" : François Morel, Boris Bergman, MC Jean Gab1... album hommage au musicien des mots

Magicien de la langue française qui savait mieux que quiconque jongler avec les mots, Raymond Devos était aussi un multi-instrumentiste de talent. C'est parce que la musique tenait une place primordiale dans son art que le projet "Devos en musique(s)" est né : François Morel, Boris Bergman et MC JeanGab1 ont adapté ses textes en chansons, et 8 sketches sont mis en musique. Sortie le 10 novembre.
Article rédigé par Jean-François Convert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La pochette du disque
 (Universal)

Raymond Devos était un artiste complet, dans la grande tradition des saltimbanques : auteur, humoriste, comédien, clown et musicien. On a du mal à trouver un instrument dont il ne jouait pas : guitare, piano, harpe, clarinette, bandonéon, violon, trombone, scie musicale...rien ne lui résistait. Et il possèdait une grande culture musicale, en témoigne son intreprétation d'une étude de Sor à la guitare dans le sketch "J'ai des doutes".

Raymond Devos à la guitare pour l'émisssion radio "Discoparade" le 9 décembre 1957 et au trombone le 4 avril 1963
 (Louis Joyeux / Ina)
Il jouait également souvent avec son pianiste, à se renvoyer la balle (parfois littéralement) en mélant la musique et la comédie. Mais s'il savait agrémenter ses spectacles d'intermèdes musicaux, son plus grand talent était de faire sonner la musique des mots. Le seul fait de le lire est déjà un régal. Mais pour l'avoir vu sur scène, l'entendre était ecore plus jubilatoire : il avait ce phrasé particulier qu'on aurait pu nommer du slam avant l'heure. Un débit phénoménal et surtout extrêmement précis pour pouvoir déverser sans trébucher les entrechocs des sonnettes de cette bicylcette-ci avec cette bicyclette-là, les significations esotériques de l'acronyme TVA, ou les ramifications complexes de la généalogie des thons.
Raymond Devos à la clarinette, le 27 mars 1962    © Philippe Bataillon / Ina        et au violon 
 (PQR/VOIX DU NORD)
C'est pour rendre hommage à la musicalité des mots de l'artiste qu'est né le projet "Devos en musique". Huit  de ses sketches ont été mis en musique par Laurent Guéneau, tandis que différents interprètes ont réadapté certains de ses textes en chansons. Ainsi, François Morel chante "Je hais les haies" et "Caen". Le rappeur MC JeanGab1 déclame "Point de tête" sur une musique de Laurent Guéneau. Et "Le lion" est devenu "My sweet lion" dans la voix de Boris Bergman

Un projet singulier, à l'image de l'artiste

François Morel, nous livre une interprétation du célèbre "Caen" avec des intonations qui ne sont pas sans rappeller les grandes heures des Deschiens. Antoine Sahler lui donne la réplique, et signe la musique, guillerette et nostalgique de la France estivale des années 50. On s'imagine en vacances avec Monsieur Hulot. La performance de François Morel parvient à nous faire découvrir Raymond Devos sous un jour nouveau : le croisement entre Jacques Tati et Jérôme Deschamps. Savoureux.
Les mises en musiques sont plus surprenantes, comme ce "Plaisir des sens", illustré par un rythme obsédant qui renforce le côté absurde de la situation. L'accompagnement musical donne l'impression (fausse bien entendue) d'être sans queue ni tête, à l'image de ce sketch cultissime, où Kafka aurait rencontré les Monty Python.
Les autres collaborations réservent aussi leur lots de surprises : "Le fils d'Abraham ou l'appel du peuple" et sa musique digne de Bernard Hermann pour coller à l'atmosphère Hitchcockienne invoquée au début du sketch, MC Jean Gab1 qui débute et termine "Point de tête" avec un "tatatin" à la Renaud, ou encore les voix célestes de "Jeanne d'Arc". Mais le plus étonnant reste l'adaptation en anglais par Boris Bergman du texte "le lion", devenu "My sweet lion". Ce sketch où Devos mimait sur scène son lion peureux effrayé par les voisins, se transforme ici en une ritournelle qui n'est pas sans rappeler "Walk on the wild side". Etrange connexion entre deux univers apparemment éloignés, mais qui fait redécouvrir sous un jour nouveau l'oeuvre de ce poète intemporel.
Raymond Devos jouait de nombreux instruments, ici à la harpe
 (MAXPPP)
Il fallait oser s'attaquer à cette sommité de la langue française, et le résultat, tantôt loufoque, jubilatoire ou limite expérimental, rend hommage à ce très grand monsieur qu'était Raymond Devos d'une façon innattendue, en plaçant la musique au coeur de son art.

"Devos en musique" - Universal - Sortie le 10 novembre

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