La vitrine, invitation à la contemplation, happe le regard du passant qui participe, alors, au théâtre de la rue, tout comme ce parcours de huit saynètes reconstituées qui invitent au dépaysement. Les vitrines, le théâtre de la rueLa vitrine, espace d’exposition offert à tous, donne vie à des objets qui sont plus que de simples marchandises. Elle est à la croisée de l’art et du savoir-faire.La multiplication dans les villes des boutiques ouvertes sur la rue correspond au déclin des grandes foires et au développement du commerce en Italie et en Flandre à la fin du Moyen Âge. L’échoppe, dont le nom d’origine néerlandaise (schoppe) signifie "la petite boutique", possède en façade deux vantaux qui servent, l’un d’auvent, l’autre d’étal pour présenter la marchandise. La vitrine telle que nous la connaissons aujourd’hui, naît au XIXe siècle, au coeur d’une ville qui devient le lieu d’un spectacle ininterrompu, grand sujet de la littérature française de Charles Baudelaire à Émile Zola. C’est le cas à Paris entre 1880, période où Hermès s’installe Faubourg Saint-Honoré, et les années 1930."Quand on fait un décor, il faut qu’il y ait toujours du mystère, car le mystère est un tremplin pour le rêve. Le mystère incite à combler ce qui n’est pas révélé par l’imagination" explique Leïla Menchari. Leïla Menchari photographiée par Édouard Boubat 1985 (Édouard Boubat ) Leïla Menchari, une conteuse de rêves"Dessinez-moi vos rêves" demande Annie Beaumel, responsable des vitrines d’Hermès, à Leïla Menchari quand elle se présente au 24, Faubourg Saint-Honoré à Paris en 1961. Leïla Menchari vient de terminer les Beaux-Arts de Paris après avoir étudié les arts plastiques à Tunis, sa ville natale.Au départ de la décoratrice Annie Beaumel en 1978, Leïla Menchari devient responsable de la décoration des vitrines du 24, Faubourg Saint-Honoré où elle y conjuguera ses cultures tunisienne (couleurs chaudes, matières précieuses...) et française jusqu’en 2013. Cette femme, éprise de beauté, imagine, dessine et réalise les décors des vitrines du sellier, en même temps qu’elle dirige le Comité couleurs de la soie. Exposition "Hermès à tire-d'aile" : vitrine hiver 2008 (Corinne Jeammet) 8 décors, 8 histoiresUn parcours de huit saynètes, scénographié par Nathalie Crinière, plonge le visiteur dans des univers extraordinaires et des décors enchanteurs. Si les matières (vêtements, sacs...) sont le fil rouge de cette exposition, c’est avant tout une histoire que raconte chacun de ces huit tableaux. "J’ai toujours voulu que ce soit authentique, sincère, déclare Leïla Menchari. Il m’est arrivé d’être surréaliste, j’adore ça, mais toujours avec des choses vraies, des choses que les gens pouvaient reconnaître. Il fallait à la fois que cela soit inattendu, insolite, surprenant, et que cela parle aux passants."Pour la conception et la mise en oeuvre des vitrines quatre fois par an, elle orchestre un dialogue entre les créations des artistes invités et la réalisation d'objets singuliers créés par les artisans de la maison Hermès. Peintres, sculpteurs, maroquiniers, nattiers, mosaïstes, tailleurs de pierres, verriers… l’accompagnent pour réaliser les objets et décors de ses vitrines étonnantes, fantastiques et flamboyantes. Exposition "Hermès à tire-d'aile" : vitrine printemps 2011, sculpture de Christian Renonciat (Corinne Jeammet) Richement illustré, l'ouvrage "Leïla Menchari, la Reine Mage" (texte de Michèle Gazier aux Editions Actes Sud) préfacé par Axel Dumas, Président d’Hermès, complète cette exposition en permettant d’admirer cent trente-sept vitrines Hermès. Livre "Leïla Menchari, la reine mage" aux éditions Actes Sud (Editions Actes Sud)