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L'auto-édition, une promesse ambigüe faite aux auteurs

De nombreux auteurs viennent au Salon du livre à la recherche d'un éditeur. L'auto-édition leur promet une liberté totale et la possibilité de percer dans un monde dominé par les grands noms et les grandes maisons d'édition. Mais elle demande en contrepartie un engagement total, une polyvalence, que tout le monde ne peut pas se permettre.
Article rédigé par franceinfo
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  (CITIZENSIDE/FRANÇOIS LOOCK)

Après sept ans de travail, Pauline Becker, jeune documentaliste, vient de finir le premier tome de son premier roman, "La Bibliothèque". Elle a envoyé son tapuscrit à trois éditeurs, reçu deux réponses négatives et attend la troisième, sans trop d’illusion. 

Comme beaucoup d’auteurs, Pauline Backer espère rencontrer au Salon du livre un éditeur pour la publier. Elle tient à la main une feuille dactylographiée où elle a consciencieusement préparé ce qu'elle voudrait lui dire. Pauline Becker a le sentiment que son roman, à la limite de la science-fiction et du fantastique est difficile à placer dans des maisons qui sont spécialisées dans un genre ou dans l'autre.
 
Comme les nombreux auteurs venus sur les stands du Salon à la rencontre des éditeurs, elle songe à s'auto-éditer.  L'auto-édition, qui se développe essentiellement sur Internet supprime les intermédiaires entre l'auteur et le lecteur et c'est au premier d'assurer lui-même la mise en page de son ouvrage, sa promotion et sa mise en valeur. Bref, de faire le travail d'édition. Elle se distingue de la publication à compte d'auteur car, en théorie, l'auteur n'engage pas de frais.
 
Des inconnus propulsés en tête de vente
 
Pour le Salon du livre, les plateformes d'auto-édition viennent à la rencontre de ces auteurs qui, parfois publient déjà dans des maisons d'édition. Laurent Bettoni fait partie de ces auteurs qui viennent des deux mondes. Il anime une conférence avec "Amazon kindle direct publishing" et une sur le stand de la Société des gens de Lettres (SGDL).

D'abord publié chez Robert Laffont, son éditeur décède. Ceux qui le remplacent n'apprécient plus le travail du romancier. Son deuxième roman "Ecran total", est auto-publié sur Internet. L'auteur booste sa visibilité en le faisant télécharger par ses amis (cela lui permet de se placer en tête des ventes). Les ventes baissent puis d'un seul coup, sans qu'il ne comprenne pourquoi, son livre est largement téléchargé. Il s'est créé une base de lecteurs fidèles qui le suivront sur ses ouvrages suivants.
 
Mise en ligne rapide, contact direct avec le lecteur, visibilité pour les inconnus, absence de problèmes de stocks comme en librairie (il donne l'exemple de Philippe Saimbert dont des livres épuisés chez l'éditeur se vendent très bien en ligne) : Laurent Bettoni insiste sur les qualités de l'auto-édition. Financièrement, cela peut se révéler très intéressant car l'auteur touche, dans la plupart des cas 70% du prix de vente hors-taxe : environ 2€ sur un livre à 2,99€. "C'est ce que je gagnais sur un livre à 20€ dans l'édition traditionnelle", explique l'auteur.
 
La naissance d'auteurs "hybrides"
 
Mais Laurent Bettoni est pourtant revenu à l'édition traditionnelle. Il a publié des ouvrages aux éditions Don Quichotte et Marabout est éditeur aux éditions La Bourdonnaye. "L'édition papier reste un bon moyen d'asseoir la notoriété et la visibilité des mes ouvrages, reconnaît l'auteur. Les contrats d'édition traditionnels fonctionnent aussi comme un accélérateur pour les adaptations au cinéma ou en poche."
 
Chris Simon, une des écrivains qu'il publie aux éditions La Bourdonnaye décrit un modèle d'écrivains "hybrides". Elle a commencé sa carrière d'auteur sur Internet et, maintenant qu'elle est éditée, elle ne s'occupe plus de la mise en page, de la valorisation et de la correction de ses ouvrages : "Là, je suis un peu embêtée, je ne sais plus quoi faire ! Ca fait du bien, je le reconnais".
 
Pour "s'amuser", elle continue l'autoédition : "Cela me permet de tester des nouvelles formes d'écritures". Laurent Bettoni rebondit : "J'ai écrit deux nouvelles. Un éditeur comme Hachette ne publie pas deux nouvelles comme cela. Je peux les auto-publier pour qu'elles rencontrent leur public. L'hybridation fait du bien à la diversité."

  (CC BY SA 2.0)
 
L'auteur poursuit : "Sur Internet 90 % des gens achètent de la science fiction et du polar, la rentrée littéraire qui fait bien sur les étagères ne marche pas. En revanche, c'est le grand retour du roman feuilleton comme on en voyait au 19e siècle avec un premier épisode gratuit."
 
Quand on demande à Pauline Becker, la jeune auteure de "La Bibliothèque" si elle souhaite s'auto-éditer après tout ce qu'elle a entendu, elle hésite encore : "C'est un travail à temps plein, je ne peux pas me le permettre en plus de mon travail de documentaliste et du temps que je veux conserver pour écrire." Des exemples d'auteurs qui ont réussi à percer sont souvent mis en valeur mais, sur Internet comme en librairie, il est difficile d'être visible dans la masse.

Aux conférences, certains auteurs décident de s'accompagner des services de Laurent Bettoni. Il peut aider à la construction de l'histoire ou simplement à la correction, à la mise en page, à la quatrième de couverture ou à la couverture –bref, au travail d'éditeur. Ses services peuvent coûter jusqu'à 2500€. Pour être lu des blogueurs et recevoir des critiques, il conseille par exemple de publier sur papier –ce qui engendre des coûts supplémentaires. L'auto-édition est à ne pas confondre avec la publication à compte d'auteur, mais dans le cas d'un tel investissement, elle s'en rapproche.
 
 

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