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Adeline Dieudonné lauréate du prix du roman Fnac 2018 avec "La vraie vie"

Les 400 libraires et 400 adhérents de la Fnac ont choisi de récompenser la jeune primo-romancière belge Adeline Dieudonné pour "La vraie vie" (L'Iconoclaste). Un roman remarquable, au cordeau, qui raconte l'histoire d'une violence familiale à travers le regard d'une enfant surdouée. Adeline Dieudonné succède à Véronique Olmi qui avait remporté le prix l'année dernière avec "Bakhita".
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Adeline Dieudonné, romancière
 (Stéphane Remael)

Le jury du prix du roman Fnac avait choisi l'audace en sélectionnant 4 primo-romancières pour la finale de son prix, et c'est Adeline Dieudonné qui l'a emporté avec "La vraie vie" paru chez L'iconoclaste.

L'histoire : La narratrice, une adolescente, vit avec sa famille dans un lotissement des années 70 baptisé le "Demo", "un projet pilote, à la pointe de la technologie du préfabriqué". Dans sa maison, quatre chambres : "la mienne, celle de mon petit frère Gilles, celle de mes parents, et celle des cadavres". Le père est un chasseur, "un homme immense, avec des épaules larges, une carrure d'équarrisseur. Des mains de géant qui auraient pu décapiter un poussin comme on décapsule une bouteille de Coca". La chambre des cadavres renferme la collection de trophées de chasse du père.

La mère ? Une ombre. Une femme effacée que la jeune fille compare à une amibe, "une femme maigre, avec des long cheveux mous". Et surtout. Elle a peur du père. Il faut dire que l'homme, qui en dehors de la chasse a deux passions dans la vie, la télé et le whisky, a la main lourde. La famille redoute ses accès de colère froide, qui finissent toujours par s'abattre sur la mère.

La jeune fille dépense toute son énergie à faire diversion. A égayer cette vie amère. Ils rendent visite à Monica, une voisine un peu excentrique, qui vit derrière le Bois des Petits Pendus. Ils guettent aussi l'arrivée de la camionnette du marchand de glace, annoncée par La valse des fleurs, de Tchaïkovski. Une glace avec de la chantilly pour la jeune fille, en cachette, parce que c'est interdit. Ils traînent aussi à la casse, jouant dans les carcasses abandonnées. La jeune fille réussit à faire naître le sourire sur le visage de son frère. Et c'est tout ce qui compte, jusqu'au jour où un malheureux accident bouleverse ce fragile équilibre…

Humour noir et suspense Hitchkockien

Adeline Dieudonné déroule ce récit avec une implacable efficacité, en peu de mots, construction impeccable (elle dit avoir lu tous les livres de Stephen King, ça doit être pour ça). Dès la première phrase elle nous happe, nous attache à ce magnifique personnage de jeune fille en construction. Intelligente, sensuelle, courageuse, avec un instinct de vie à toute épreuve. Une ode à la féminité.

Le monstre (le père), ses amis chasseurs, l'amibe, le petit frère tombé en folie, ou le professeur de physique quantique (la jeune fille est douée) et sa femme défigurée… Les personnages secondaires, eux aussi sont dessinés avec une justesse d'orfèvre, et certaines scènes sont dignes des meilleurs films d'Hitchcock ! La jeune romancière belge use aussi volontiers d'un humour noir bien dosé. Résultat, on rit avec la chair de poule. 

Bref, on a un peu l'impression de se répéter, mais la rentrée littéraire 2018 offre une explosion de bonnes surprises du côté des premiers romans. Celui-ci est à hisser sur le haut de la pile.
 
"La vraie vie", d'Adeline Dieudonné
(L'Iconoclaste – 270 pages – 17 Euros) 

Extrait :

"Il a dit bon les enfants vous avez votre matériel ?"
On a tous répondu "Oui !"
"Ce soir, vous allez participer à votre première traque. La traque c'est…"
On aurait dit qu'il évoquait le souvenir d'une histoire d'amour.
"C'est le moment où le lien se tisse entre vous et la bête. Un lien unique. Vous verrez que c'est la bête qui décide. À un moment, elle s'offre à vous parce que vous avez été le plus fort. Elle capitule. Et c'est là que vous tirez. Ça demande de la patience. Il faut harceler votre proie jusqu'à ce qu'elle décide qu'elle préfère la mort. Vous allez comprendre que ce qui vous guide vers cotre proie, ce ne sont pas vos yeux ni vos oreilles. C'est votre instinct de chasseur. Votre âme entre en communion avec celle de la bête et vous n'avez plus qu'à laisser vos pas vous mener à elle, calmement, sans vous presser. Si vous êtes de vrais tueurs, ça devrait être facile.
Cette nuit, il n'y aura pas de mise à mort. Juste la traque. Et la proie sera …"

"La vraie vie", page 179

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