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"D'après une histoire vraie" : Delphine de Vigan signe un roman hitchcockien

Comment est-il, le nouveau Delphine de Vigan ? Haletant. Après quatre ans de silence et l'écrasant succès de "Rien ne s'oppose à la nuit" sur sa mère bipolaire, la romancière publie "D'après une histoire vraie". Double de l'auteur, la narratrice se noue d'amitié avec une femme de plus en plus possessive. Fiction scotchante, suspense garanti. Couronné par le prix Renaudot et le Goncourt des lycéens
Article rédigé par franceinfo
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La romancière Delphine de Vigan le 10 mars 2013 au festival de littérature de Cologne (Allemagne).
 (Henning Kaiser / MaxPPP)

"D'après une histoire vraie" démarre sur l'histoire d'une narratrice très semblable à l'auteure. Comme Delphine de Vigan, celle qui dit "je" a écrit un livre devenu best-seller sur sa mère bipolaire, qui s'est suicidée ("Rien ne s'oppose à la nuit"). Signature, salons littéraires, et invitations multiples l'ont littéralement vidée, jusqu'au jour où elle ne peut même plus accorder un autographe supplémentaire à une lectrice arrivée un peu tard pour une dédicace.

A cette fatigue et ce début de dépression s'ajoutent des lettres anonymes menaçantes, l'accusant d'avoir bâti sa célébrité sur la mort de sa mère. La blessure de trop. La narratrice n'arrive plus à écrire. Inspiration tarie, malgré les petits carnets qu'elle remplit sur une star de la téléréalité devenue prisonnière de son image, son idée de départ pour un futur roman.

Une rencontre fatale ?

L'héroïne du roman rencontre alors "L." qui ne sera jamais désignée que par cette initiale. C'est un coup de foudre amical. Cette femme la comprend mieux que personne. Et devient d'autant plus indispensable que les deux grands enfants de la narratrice partent faire leurs études ailleurs. Ses amis vivent en province, et son compagnon, François, avec lequel elle ne vit pas, est très -trop ? - absorbé par ses émissions littéraires.

"L" (elle ?) prend soin d'elle jusqu'à la décharger de ses mails et y répondre à sa place -pour lui rendre service, bien sûr. Pour son bien encore, "L" la pousse à bout pour faire jaillir d'elle la seule littérature qui vaille : celle de la réalité crue. C'est d'ailleurs son métier : rédiger, sans jamais apparaître, les autobiographies d'actrices célèbres ou les témoignages de femmes martyrisées. Jusqu'où ira "L", installée à demeure chez la romancière ? Est-elle venue combler un vide ou faire le vide ? Lui redonner du souffle ou lui voler sa vie ?

Un thriller psychologique maîtrisé

Une fois commencé, le roman ne se lâche plus tant la tension monte. La narratrice retrouvera-t-elle sa plume ? Et son autonomie dans ce face à face infernal avec cette "amie" qui la suit comme son ombre, s'habille comme elle, et éloigne tout son entourage qu'elle refuse d'ailleurs de rencontrer ? 

Ce roman angoissant est parsemé de petites pierres blanches, d'indices autobiographiques vérifiables sur Internet. Le lecteur un brin voyeur pourra ainsi s'assurer sur Wikipedia que Delphine de Vigan a bien pour compagnon un journaliste animant des émissions littéraires (François  Busnel, qui présente La Grande librairie sur France 5).

Mais peu importe ce qui ressort ou non de la réalité dans cette fiction placée à chaque partie sous les auspices d'une citation de Stephen King : ce pavé manipulateur ne se réduit pas à une autobiographie saignante. Thriller psychologique, il se dévore tout du long des 480 pages tant le récit y est habile, le chantage au réel assumé et la construction magistrale. Un roman hitchcockien des plus maîtrisés, jusqu'au malicieux clin d'oeil final. Tirage de départ : 100 000 exemplaires. Autant dire que JCLattès mise sur un best-seller.

D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan
(JC Lattès, 20 euros, 480 pages, parution le 26 août)

Extrait :  "J'étais d'humeur maussade quand je suis sortie du café. C'était donc ... vrai, voilà ce que les gens attendaient, le réel garanti par un label tamponné sur les films et sur les livres comme le label rouge ou bio sur les produits alimentaires, un certificat d'authenticité. Je croyais que les gens avaient seulement besoin que les histoires les intéressent, les bouleversent, les passionnent. Mais je m'étais trompée. Les gens voulaient que cela ait lieu, quelque part, que cela puisse vérifier. Ils voulaient du vécu".

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