Mésusage de financement ...
Cette fin de semaine, dans un hôtel chic de la place, une grande réunion était organisée par le ministre de tutelle des Organisations Non-Gouvernementales Internationales (ONGI) actives au Badguando. Il voulait expliquer la réforme du cadre juridique des interventions des ONGI qui se révélait pleine de surprises pour les chefs de mission pusillanimes qui s’en effarouchaient. Le lendemain se déroulerait la même séance d’explication pour les ONG nationales; on pouvait douter de la similarité des messages, d’ailleurs, rien n’en filtra. On apprit plus tard que la location de la salle de conférence avait été financée par la coordination humanitaire des ONGI à la demande, d’ailleurs un peu penaude, du ministère. D’aucuns pensèrent alors qu’il aurait fallu ne louer qu’une modeste salle de quartier sans climatiseurs avec des arachides et quelques sucreries comme il est courant sur le terrain au lieu de la salle luxueuse de l’hôtel avec hôtesses et petits fours. Puisque de mésusage des financements, il allait être question.La séance commença avec quelques quarante minutes de retard car un ambassadeur d’un pays encore européen avait préféré s’entretenir en tête à tête avec le ministre et non publiquement comme il avait annoncé vouloir le faire. Dommage, une position déclarée d’un pays bailleurs aurait été la bienvenue, principalement sur la taxe de 1% prélevée sur les projets humanitaires pour financer la direction du ministère en charge des affaires humanitaires. L’humanitaire, c’est-à-dire l’urgence, finançant le fonctionnement d’un ministère, c’est assez original.
La faute à qui ...
Cet après-midi-là les chefs de missions découvrirent que si le Badguando était en queue de classement d’à peu près tous les indicateurs de développement, c’était leur faute. Ils dilapidaient, mésusaient les milliards qu’ils apportaient au pays, empêchant le Badguando de caracoler en tête. Les chefs de mission furent troublés qu’on leur prêta tant de pouvoirs. Seuls les "premières missions"* et encore, ont l’illusion de pouvoir sauver le monde.
Une carte épidémiologique de la rougeole
© OCHAEn revanche, ils furent soulagés d’apprendre que l’indice de capital humain (celui qui entre autres mesure le retour sur investissement de l’éducation) allait remonter dès lors qu’ils proposeraient des postes d’expatriés aux Badguandais travaillant dans leurs ONGI qui partiraient ainsi s’enrichir ailleurs (en fait fuiraient leur pays mais ça fait moins chic). En réponse à la perplexité suscitée par de tels propos, un bailleur curieux aurait pu lanceur un appel d’offre pour une étude sur la différence subtile entre expatriation, fuite de cerveau et émigration.
L'usage calmant du chocolat ...
Le ministre s’emmêla les pinceaux, peut-être parce qu’en fait, mal informé, il découvrait seulement à ce moment les articles délirants de ce décret que présentait un de ses sbires que, dans un joli lapsus, il s’obstinait à appeler "Monsieur le directeur des ONG" (lequel sbire étant plutôt le directeur de la direction des ONG du ministère). Il annonça donc que tout ceci était seulement un projet de réforme et qu’il fallait en discuter la traduction opérationnelle – jusqu’à ce qu’au moment des conclusions, il se reprenne et annonce que de décrets il s’agissait bien, dont l’application était immédiate et sans discussion (la salle avait bien observé, goguenarde, le petit mot que lui avait glissé un de ses collaborateurs).La réunion s’acheva dans la consternation tant elle n’avait servi à rien. Pour s’en remettre il fallut aux chefs de mission quelques bières, un grand nombre de discussions désabusées et pour certains moultes plaques de chocolat.
Certains même devinrent chef démission.

* Premières missions: les expatriés qui travaillent pour la première fois sur le terrain. En argot scolaire, on les nommerait bizuths.
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