Ces deux losers presque trentenaires, apôtres de la procrastination, font donc du rap. Enfin du rap, c'est beaucoup dire. Ils ont fait un freestyle il y a cinq ans. Depuis, rien. Et leurs "producteurs" qui leur passent un studio dans lequel ils logent en ont un peu marre. On le serait à moins. Ils vont donc leur lancer un ultimatum. Les deux compères auront 24 heures pour sortir un morceau. 24 heures pour se débloquer. Mais quand on a la flemme depuis presque 30 ans, compliqué de se motiver. Et leurs vieux démons, la peur de l'échec, les soirées, les soucis de couple, la quête de nouilles chinoises ou les abribus n'hésiteront pas à se mettre en travers de leur chemin.

Orelsan et Gringe dans "Comment c'est loin"
© DRBuddy musical movie
Ce long métrage, c'est surtout une dérivation de leur pastille diffusée depuis peu sur Canal +. L'étirement sur 1h30 de cette mini-série "Bloqués", où nos deux acolytes noient leur ennui, affalés sur un canapé informe, en se balançant des punchlines tantôt infâmes, tantôt absurdes ou les deux à la fois. On avait vu la dernière adaptation sur grand écran d'une mini-série de la chaîne, "Connasse, princesse des cœurs" avec Camille Cottin. Et pour tout vous dire, on n'était pas vraiment rassuré.Sauf que "Comment c'est loin" n'est pas qu'une adaptation de cette série. Mais aussi celle des "Casseurs flowteurs", leur album concept. Ce qui fait de ce film quelque chose d'assez inclassable. Dans cette sorte de buddy musical movie, c'est le rap qui va donner une véritable rythmique au film. Sans être abrutissant ou répétitif, il donne du liant à la narration, l'accompagne sans jamais l'étouffer.
À l'image de cette scène où un Orelsan complètement bourré se fait raccompagner en voiture par son père sur fond de "Quand ton père t'engueule", l'un des morceaux de l'album. On retrouve aussi l'attente de "Deux connards dans un abribus" ou le débat sur la prostitution avec "Les putes et moi".
L'ennui filmé avec pêche
Ce long métrage redonne tout simplement vie à "Casseurs flowters". Et en ce sens, va beaucoup plus loin que le film du slameur Abd al Malik, "Qu'Allah bénisse la France", qui n'était que le prolongement artistique et assez mièvre de son autobiographie sortie il y a quelques années. Surtout et c'était l'un des plus gros risque pour Orelsan, il ne tombe à aucun instant dans l'egotrip. Pas de d'accumulation d'autoréférence narcissique. Et il semble en effet là bien plus proche des comédies de Judd Appatow ou d'un "Clerks" de Kevin Smith que du "8 mile" avec Eminem.Fan service
Il n'empêche, Orelsan aidé à la réalisation par Christophe Offenstein parvient à nous livrer une comédie douce-amère férocement attachante. Bien aidé aussi par une distribution totalement amateur et pourtant épatante composée de ses potes, de son père ou de sa grand-mère.La frontière entre la fiction et le réel est volontairement floue. Orelsan et Aurélien Cotentin se confondent avec sincérité et tendresse dans ce film où le drame et l'humour se côtoient sans cesse. Le rappeur dépeint crument son propre quotidien. Les décors de la fatalité sociale, friches urbaines, béton brut, photographie terne d'une ville grisâtre battue par la pluie, se succèdent avec toujours le bon mot pour dédramatiser. Pas sûr malgré tout que le grand public rentre véritablement dans son univers tant, il faut bien le reconnaître, cette adaptation a tout de la proposition "fan service".
Synopsis : Après une dizaine d'année de non-productivité, Orel et Gringe, la trentaine, galèrent à écrire leur premier album de rap. Leurs textes, truffés de blagues de mauvais goût et de références alambiquées, évoquent leur quotidien dans une ville moyenne de province. Le problème : impossible de terminer une chanson. À l'issue d'une séance houleuse avec leurs producteurs, ils sont au pied du mur : ils ont 24 heures pour sortir une chanson digne de ce nom.