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Cannes 2018 : "Ayka", le lent calvaire d'une sans-papiers kirghize à Moscou

Projeté en compétition officielle, "Ayka" du réalisateur kazakh Sergey Dvortsevoy suit pendant cinq jours le parcours moscovite d'une jeune femme sans papier de nationalité kirghize. Venant d'accoucher, elle tente de trouver un travail pour rembourser la mafia à qui elle a eu l'imprudence d'emprunter de l'argent. Un parcours désespéré dans une Russie implacable. Déprimant.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
  (Nord Ouest Films)

C'est l'un des aspects les plus ridicules de vanité du festival de Cannes. Ce vendredi, les heureux détenteurs d'une invitation ont gravi les marches et le fameux tapis rouge du Palais des Festivals sous les flashes des photographes après avoir revêtu, qui sa robe de soirée pailletée, qui son smoking de location. Ils venaient suivre pendant une heure et demie une sans-papiers kirghize (Samal Yeslyamova) tenter de survivre, quasi mourante, dans les quartiers sordides de Moscou !

"Ayka" du réalisateur kazakh Sergey Dvortsevoy commence dans la douleur, finit juste avant la tragédie après avoir traversé des moments d'angoisse, de souffrance, de tension et de désespoir. C'est dire si, dans cette ville de Moscou paralysée par la neige, l'histoire de cette malheureuse jeune femme est à des années-lumière des faux-semblants clinquants en vogue sur la Croisette et autour.

L'affiche de "Ayka"
 (Nord Ouest Films)
N'en concluons pas pour autant que le film manque d'intérêt. Il illustre d'abord un fait politique majeur dans la société russe : le rejet des ex-compatriotes soviétiques originaires des autres anciennes républiques de l'URSS. Ils sont considérés comme des étrangers, constituent une main d'oeuvre corvéable à merci, sous payée quand elle l'est, harcelée par les forces de l'ordre corrompues et proie facile des mafias. Ayka cumule des raisons de ne pas s'en sortir. Sans papiers depuis une année, elle vient d'accoucher d'un enfant sans père et doit de l'argent à des mafieux qui la menacent de la découper et de la vendre en morceaux pour le trafic d'organes. Elle a travaillé pendant deux semaines dans des conditions sordides sans finalement être payées. Tout le reste est à l'avenant.

Le film s'étend parfois bien trop sur l'errance d'Ayka, se complait dans un voyeurisme misérabiliste qui finit par mettre mal à l'aise. Il appuie lourdement sur les travers d'une société qui s'attarde sur le cas d'une chienne soignée pour une hémorragie après avoir mis bas, alors que l'héroïne (!) du film perd son sang dans l'indifférence générale après avoir accouché. L'image est volontairement "sale", la couleur verdâtre, les cadrages approximatifs. Le réalisateur n'a pas voulu faire de son film un spectacle. Il se contente de proposer un constat, celui de l'échec d'une société qui laisse la corruption faire sa loi. A noter cependant la qualité du jeu de la principale interprète, Samal Yeslyamova, qui porte tout le film sur ses épaules.

Les spectateurs du palais des Festivals auront sans doute déjà oublié le message désespéré lancé par Sergey Dvortsevoy quand il attendront en file indienne, un peu plus tard dans la soirée, pour entrer à l'une des dernières fêtes de cette 71e édition.  

La fiche

Genre : Drame psychologique et politique
Réalisateur : Sergueï Dvortsevoy
Avec : Samal Yeslyamova
Pays : Russie, Allemagne, Pologne, Kazakhstan
Durée : 1h40
Date de sortie inconnue

Synopsis : Ayka vient d'accoucher. Elle ne peut pas se permettre d'avoir un enfant. Elle n'a pas de travail, trop de dettes à rembourser, même pas une chambre à elle. Mais c'est compter sans la nature, qui reprendra ses droits.

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