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"The Happy Prince" : Rupert Everett filme et joue l'exil tragique d'Oscar Wilde

Le comédien britannique Rupert Everett ("Petits Meurtres à l’anglaise") a attendu plus de 30 ans pour passer derrière la caméra. Avec "The Happy Prince", il s’offre son plus beau rôle, celui d’Oscar Wilde. Il part de son retentissant procès pour homosexualité qui le conduisit au bagne, puis à l’exil, pour revenir sur sa vie de célèbre dandy et de génie littéraire, ses amours et son drame familial.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Rupert Everett est Oscar Wilde devant et derrière la caméra de "The Happy Prince"
 (Wilhelm Moser )

Elephant Man

Rupert Everett ne se valorise pas physiquement en incarnant un Oscar Wilde miné par le bagne et l’alcool, en exil à Paris, vieilli prématurément avant de mourir à 46 ans dans la misère. Après deux ans passés dans les pires conditions pénitentiaires, Wilde se retrouve dans une chambre misérable, hanté par l’éloignement de son épouse Constance et de ses deux enfants. Pour une escapade à Naples, il retrouve Bosie, son amour "coupable" qu’il lui valut sa condamnation. Il reste proche de ses amis Reginald Turner et Robbie Ross, puis d’un petit cercle de Parisiens des faubourgs avec lesquels il brûle les dernières années de sa vie.
Le comédien devenu réalisateur construit avec élégance l’évocation d’un Oscar Wilde en l’introduisant par sa déchéance. Sa première apparition le voit en bagnard sur le quai d’une gare, insulté par la vindicte bourgeoise après sa libération. Au faîte de la gloire, son procès l’a réduit au rang de monstre. La scène rappelle d’ailleurs celle d’"Elephant Man" où le freak (monstre de foire) est acculé par des voyageurs. Mais c’est la temporalité du récit qui recèle un bel atout, dans la continuité entre présent et passé, comme si les deux se confondaient.

Viscontien

Malgré sa décadence pécuniaire, son retrait de la vie artistique qui l’avait porté aux nues, Oscar Wilde est resté le même. Il est fidèle à ses passions amoureuses jugées et condamnées "contre nature", à son épouse Constance et à ses deux enfants ; fidèle aussi à ses convictions esthétiques. Face au traumatisme du bagne et de l’exil, il s’engouffre dans une décade prodigieuse portée par une inexorable soif de vivre. Elle s’incarne dans ses souvenirs vécus au présent, son voyage à Naples avec Bosie. Cette vivacité renvoie à la constance psychologique d’Oscar Wilde. Comme si le film recoupait le titre de sa plus célèbre pièce "L’Importance d’être constant".
"The Happy Prince" de Rupert Everett
 ( Maze pictures Entre Chien et Loup )
Fidèle à Wilde, Rupert Everett l’est aussi à une reconstitution historique toute britannique, c’est-à-dire pleine d’ambiance dans les décors, les costumes et les lumières changeantes, selon que l’on se trouve à Londres, Naples ou Paris. L’on pense dans la partie italienne à Visconti, ce qui est sans aucun doute volontaire, en référence à "Mort à Venise". Si d’aucuns jugeront ce rappel académique, ce sentiment est compensé par l’audace narrative, un casting judicieux et un propos toujours sulfureux, Wilde n’ayant toujours pas été réhabilité par la couronne britannique. 
"The Happy Prince" : l'affiche
 (Oceans Films)

LA FICHE

Genre : Drame / Biopic
Réalisateur : Rupert Everett
Pays : Grande-Bretagne / Belgique / Italie / Allemagne
Acteurs : Rupert Everett, Colin Firth, Colin Morgan (II), Edwin Thomas, Emily Watson
Durée : 1h45
Sortie : 19 décembre 2018

Synopsis : À la fin du XIXe siècle, le dandy et écrivain de génie Oscar Wilde, intelligent et scandaleux, brille au sein de la société londonienne. Son homosexualité est toutefois trop affichée pour son époque et il est envoyé en prison. Ruiné et malade lorsqu’il en sort, il part s’exiler à Paris. Dans sa chambre d'hôtel miteuse, au soir de sa vie, les souvenirs l'envahissent…
Est-ce bien lui celui qui, un jour, a été l'homme le plus célèbre de Londres ? L'artiste conspué par une société qui autrefois l'adulait ? L'amant qui, confronté à la mort, repense à sa tentative avortée de renouer avec sa femme Constance, à son histoire d'amour tourmentée avec Lord Alfred Douglas et à Robbie Ross, ami dévoué et généreux, qui a tenté en vain de le protéger contre ses pires excès ?
De Dieppe à Naples, en passant par Paris, Oscar n'est plus qu'un vagabond désargenté, passant son temps à fuir. Il est néanmoins vénéré par une bande étrange de marginaux et de gamins des rues qu’il fascine avec ses récits poétiques. Car son esprit est toujours aussi vif et acéré. Il conservera d’ailleurs son charme et son humour jusqu’à la fin : "Soit c’est le papier peint qui disparaît, soit c’est moi…" 

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