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Stéphane Brizé adapte avec tact "Une vie" de Maupassant

Après "Mademoiselle Chambon" (2009), "Quelques jours de printemps" (2012) et surtout "La Loi du marché" (2015), aux sujets très contemporains, Stéphane Brizé s'attaque pour la première fois à un film d'époque, adapté du roman majeur de Guy de Maupassant, "Une vie", avec un beau casting, la discrète Judith Chemla, Jean-Pierre Daroussin et Yolande Moreau.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Judith Chemla et Jean-Pierre Darroussin dans "Une vie" de Stéphane Brizé 
 (Michaël Crotto / TS Productions)

Changement de vie

Stéphane Brizé nous prend là où ne l'attendait pas, en adaptant un classique de la littérature du XIXe siècle. Cinéaste des mœurs, il reste en fait fidèle à sa thématique majeure. Ne change que l'époque. Ce qui n'est pas rien d'un point de vue cinématographie déduit de la nature du sujet. Autre temps, autre mœurs. Lui l'urbain, se transporte dans le boccage normand, au cœur d'une grande propriété bourgeoise. Changement de cadre, changement de lumière, changement de rythme.

"Une vie" est un peu le pendent de "Madame Bovary" de Flaubert. Tous deux prennent pour décor une Normandie décidément propice aux drames féminins. Deux histoires de femmes, l'une adultère par ennui, l'autre trompée par convention. Le calme champêtre des candeurs bucoliques masque des passions enfouies, perceptibles dans la mer toute proche et imprévisible. Mais aussi source de vie. Ce n'est pas pour rien que Jeanne (Judith Chemla) se promène à loisir sur la plage avec son enfant.

Reportage : M. Berrurier / M-H. Bonnot / F. Bazille / S. Langlais / R. Blondeau

Une vie de cinéma

Au sortir de l'enfance, Jeanne n'est pas totalement dégrossie, elle se jette dans les bras d'un hobereau, qui la trompe avec sa meilleure amie. Brizé ne s'attarde pas sur le drame qui s'en suit, préférant s'attacher aux répercutions sur la jeune femme, stoïque, embrumée dans une mélancolie affligeante. La trahison au travail, la ronge, l'enferme de plus en plus sur elle-même, la déconnecte, seul son enfant la rattachant au monde. Ses parents aussi, vers lesquels elle se réfugie, mais dans une sorte d'autarcie, et leurs jours sont comptés, Ce fils, une fois adulte, la trahira également. Il trouvera sa rédemption dans sa fille qu'il lui confiera, et dans laquelle Jeanne retrouvera le meilleur de lui et d'elle-même.

Yolande Moreau, Judith Chemla et Jean-Pierre Daroussin dans "Une vie" de Stéphane Brizé
 (Michaël Crotto / TS Productions)

Stéphane Brizé filme sagement dans un format carré (dit standard) peu usité, qui renvoie aux débuts du cinéma et ses mélodrames. Il fait montre ainsi d'un vrai choix, laissant de côté un usage souvent systématique du scope. La valeur de plan ne change pratiquement jamais, cadrant au plus près sa Jeanne, sous les traits graciles et délicats de Judith Chemla, de tous les plans. Il la filme au plus près, car cette vie, c'est la sienne ; abandonnée, elle est seule. L'ascèse élégante de la mise en scène évoque un Bruno Dumont qui aurait troqué son approche rugueuse pour le velouté herbeux du parc, la domesticité du potager, et la lumière nimbée des bougies. Sa temporalité alterne ellipse, donc rapidité, et répétitivité, donc lenteur. La première concerne les faits, anecdotiques, la seconde, leurs conséquences, immuables. Il reste ainsi fidèle aux tenants d'une vie.

"Une vie" : l'affiche
 (Diaphana Distribution)

LA FICHE

Drame de Stéphane Brizé (France), avec : Judith Chemla, Jean-Pierre Darroussin, Yolande Moreau, Swann Arlaud, Nina Meurisse, Olivier Perrier  - Durée : 1h59 - Sortie : 23 novembre 2016

Synopsis :Normandie, 1819. A peine sortie du couvent où elle a fait ses études, Jeanne Le Perthuis des Vauds, jeune femme trop protégée et encore pleine des rêves de l’enfance, se marie avec Julien de Lamare. Très vite, il se révèle pingre, brutal et volage. Les illusions de Jeanne commencent alors peu à peu à s’envoler.

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