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"La Vénus à la fourrure" : un trio gagnant Polanski, Seigner, Amalric

Projeté en compétition au dernier Festival de Cannes, "La Vénus à la fourrure" n'a rien obtenu lors du palmarès, mais s'est offert un beau succès critique. Avec seulement deux comédiens, Mathieu Amalric et Emmanuelle Seigner, dans l'écrin d'une salle de théâtre, le film ne mollit jamais, passant constamment de l'humour à l'émotion, voire au trouble, avec un crescendo en puissance.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric dans "La Vénus à la fourrure" de Roman Polanski
 (Mars Distribution)

De Roman Polanski (France), avec : Emmanuelle SeignerMathieu Amalric, Louis Garrel - 1h30 - Sortie : 13 novembre 2013

Synopsis : Seul dans un théâtre parisien après une journée passée à auditionner des comédiennes pour la pièce qu’il s’apprête à mettre en scène, Thomas se lamente au téléphone sur la piètre performance des candidates. Pas une n’a l’envergure requise pour tenir le rôle principal et il se prépare à partir lorsque Vanda surgit, véritable tourbillon d’énergie aussi débridée que délurée. Vanda incarne tout ce que Thomas déteste. Elle est vulgaire, écervelée, et ne reculerait devant rien pour obtenir le rôle. Mais un peu contraint et forcé, Thomas la laisse tenter sa chance et c’est avec stupéfaction qu’il voit Vanda se métamorphoser. Non seulement elle s’est procuré des accessoires et des costumes, mais elle comprend parfaitement le personnage (dont elle porte par ailleurs le prénom) et connaît toutes les répliques par cœur. Alors que l’« audition » se prolonge et redouble d’intensité, l’attraction de Thomas se mue en obsession…
Huis-clos
Une scène de théâtre, deux comédiens - Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric -, et entre les deux le pouvoir de domination/soumission. Cinéaste du Huis-Clos (« Le Couteau dans l’eau », « Répulsion », « Cul de sac », « Rosemary’s Baby », « Le Locataire », « Carnage »), Roman Polanski n’est jamais allé aussi loin dans l’épure, mis ici au service d’une approche des rapports entre l’auteur et ses alter ego scéniques. Le théâtre s’offre plus à cet exercice qu’un plateau de cinéma, où la notion d’équipe est plus importante qu’à la scène. Un exercice parfaitement maîtrisé par un réalisateur qui n’a cessé de passer du théâtre au cinéma et inversement.

Film sur l’alchimie créatrice, il met en équation le cheminement du concept à sa matérialisation dans l'oeuvre d'art. L’adaptation du roman éponyme de Sacher-Masoch, objet de la pièce, devient le support d’une métaphore autour du dominant présumé (l’auteur) sur son dominé présumé (l’acteur). Le film démontre que la distribution des rôles n’est pas aussi manichéenne, et qu’ils passent de l’un à l’autre, avec une facilité déconcertante.
Mathieu Amalric et Emmanuelle Seigner dans "La Vénus à la fourrure" de Roman Polanski
 (Mars Distribution)
Le tout et son contraire
Venu du théâtre avant d’être cinéaste, auteur, metteur en scène et comédien, Roman Polanski sait de quoi il parle. Et il en parle bien. C’est la deuxième fois consécutive qu’il adapte une pièce au cinéma, après « Carnage » de Yasmina Reza. L’original, de David Ives, a été joué à Broadway et reste inédite en France. Emmanuelle Seigner – épouse du cinéaste – interprète une actrice en mal d’un rôle. Elle s’affiche sous un jour superficiel pour finalement s’avérer fulgurante dès qu’elle endosse un personnage. Mathieu Amalric d’abord autoritaire et moqueur va virer sa cuti et devenir l’objet de la comédienne. Tout fonctionne par deux dans « La Vénus à la fourrure », pour au bout du compte révéler une troisième voie, synthétique.

Aussi, Seigner et Amalric, passant d’un sentiment à son contraire, développent une palette de jeu d’autant plus vaste, avec justesse, tout en caricaturant subtilement le trait. Et c’est l’humour qui prend le dessus par les situations successives qui s’alternent, et des dialogues souvent d’une drôlerie irrésistible. La mise en scène de Polanski exploite parfaitement l’espace scénique, dynamisant constamment le propos par des trouvailles visuelles, échappant ainsi à tout théâtre filmé. La beauté d’Emmanuelle Seigner que son mari dirige visiblement avec amour, mais aussi avec un rien d’exhibitionnisme (euphémisme) y est pour beaucoup.La folie de Mathieu Amalric qui, pour l’occasion, s’est fait une tête à la Polanski, fait le reste. Ce qui n’est pas rien. Jouisif et éloquent.

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