Une journée avec Willy Lambil, le dessinateur des Tuniques bleues

Willy Lambil au musée du Cheval à Chantilly (Photo F. Forget).

Les Tuniques bleues ont passé le cap de la soixantaine d’albums et débarquent à Chantilly pour une exposition. Rencontre avec le dessinateur d’une des séries les plus populaires de la BD franco-belge.

Mi-novembre, rendez-vous est pris à la gare du Nord à Paris à 10h37 pour rejoindre le grand Willy Lambil. Pour cet auteur, l’histoire des Tuniques bleues commence en 1972. Après le décès de Louis Salvérius, il reprend au dessin la série avec toujours Raoul Cauvin au scénario. Depuis le duo ne cesse de produire un album par an.  Oh, j’en vois déjà qui secouent la tête en pensant que plus de 60 albums pour une série, ça fait beaucoup. Sauf que dans le nouvel album, L’étrange soldat Franklin, comme dans les précédents, le travail de Willy Lambil est toujours impeccable. L’auteur belge ne faiblit pas avec les années et les titres qui s’empilent. Un monument des éditions Dupuis dont il est le plus ancien collaborateur avec 65 ans de carrière.

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Blutch et Chesterfield se posent beaucoup de questions dans leur nouvelle aventure "L'étrange soldat Franklin".

11h15, arrivée à Chantilly. Je me retrouve devant trois poneys et Willy Lambil. Nous sommes au musée du Cheval, dans les grandes écuries. Nous assistons à la répétition d’un spectacle. À la fin, Lambil confie à son épouse qu’il va acheter un modèle vivant pour dessiner ses chevaux. Un petit comme ces poneys. Et qu’il les agrandira ensuite à la photocopieuse. Les Tuniques bleues est une BD d’humour et son dessinateur aime provoquer le rire. Souvent aux dépens des militaires, d’une hiérarchie imbécile et de l’absurdité de la guerre. Une bande dessinée antimilitariste ?

Pour répondre, ça tombe bien, un expert nous accueille. Le Général Jérôme Millet est l’administrateur pour l'Institut de France du domaine de Chantilly et du musée du Cheval. Il nous explique que Les Tuniques bleues ont bien leur place au musée tant le talent de Lambil est grand pour représenter les chevaux. Il partage moins la vision sur les militaires. « Je ne suis pas antimilitariste, répond Lambil. Je fais tout au dessin pour que les soldats soient sympathiques mais c’est une guerre ».

A 11h45 commence la visite de l’exposition. La scénographie est bien trouvée. Les planches originales (pas des copies) sont réparties sur les quinze salles qui composent le musée. Elles illustrent le thème de chacune d’elle. Ce qui permet de coupler la visite du musée à la découverte des originaux. L’exposition se tient jusque fin janvier à Chantilly. Mais Les Tuniques bleues laisseront trace de leur passage au delà de cette échéance. Willy Lambil cède une aquarelle qui y sera définitivement exposée.

Les Tuniques bleues sur le domaine de Chantilly, l'aquarelle cédée par Lambil au musée du Cheval.

Les Tuniques bleues sur le domaine de Chantilly, l'aquarelle cédée par Lambil au musée du Cheval.

Pause déjeuner et nous voilà repartis au musée Condé, juste en face. Le conservateur, Laurent Ferri, nous y attend pour une conférence sur la guerre de Sécession. Le domaine de Chantilly appartenait à la famille d’Orléans. Laquelle famille avait dépêché là-bas, aux Amériques, quelques-uns de ses membres pour combattre du côté nordiste. Évènement repris dans un des albums, Sang bleu chez les bleus, où l’on découvre François Ferdinand d’Orléans sur le champ de bataille américain. Se baser sur une anecdote ou une histoire vraie sert souvent de point de départ au scénario des Tuniques bleues. C’est le cas pour le nouvel album, L’étrange soldat Franklin, une histoire d’espionnage avec ses faux-semblants.

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Le conservateur du musée Condé, Laurent Ferri, montre à Willy Lambil des photos datant de la guerre de Sécession (photo Francis Forget).

16H30, je profite de la présence du conservateur pour demander si au dessin Willy Lambil est juste dans sa vision de la guerre de Sécession. « Oui, répond l’expert, au dessin comme au scénario, la BD a de la justesse historique. Même si le parti pris en faveur des nordistes est évident. Ce dont elle ne rend pas compte peut-être, c’est l’atrocité de cette guerre fratricide avec son lot de cadavres, de villages brûlés, de viols. Mais ce n’est pas l’objet de cette bande dessinée qui, pour ce qu’elle est, rend bien compte de cette période ». Le dessin d’un maître, une justesse historique et de l’humour. Trois qualités qui participent à la grande popularité de cette série. L'étrange soldat Franklin est tiré à 110 000 exemplaires, la série totalise 23 millions d’albums vendus.

17h28, départ de Chantilly, je reprends le train pour Paris. Willy Lambil repart en voiture, chez lui en Belgique, où il travaille déjà sur le 62ème album.  

IMG_6653Les Tuniques bleues. Volume 61, L'étrange soldat Franklin. Editions Dupuis / Lambil & Cauvin. 11 €. Edition noir et blanc, grand format, 29 €.