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Le portrait de la princesse Tutu, chef-d'oeuvre de l'art nigérian disparu, retrouvé à Londres

Un des portraits de la princesse Tutu, peint par l'artiste nigérian Ben Enwonwu et considéré comme la "Mona Lisa africaine", véritable "icône nationale" dans son pays et considérée disparue, va être mise aux enchères après avoir été retrouvée dans un appartement de Londres.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Le portrait de la princesse Tutu de Ben Enwonwu exposé chez Bonhams à Londres (7 février 2018)
 (Ben Stansall / AFP)

Le portrait de la princesse Ife Adetutu Ademiluyi, surnommée "Tutu", peint en 1974 par l'artiste nigérian Ben Enwonwu, sera mis en vente le 28 février par la maison d'enchères Bonhams, lors d'une vente d'art africain contemporain. La vente sera retransmise en direct à Lagos pour permettre aux acheteurs potentiels de se manifester.
 
"Je la considère comme la Mona Lisa africaine", dit le romancier nigérian Ben Okri, lauréat du Booker Prize, à propos de ce portrait perdu de vue après avoir été exposé pour la dernière fois en 1975.
 
"Depuis 40 ans, c'est une peinture légendaire, tout le monde en parle, se demande où est 'Tutu'?", explique l'écrivain, interrogé par l'AFP chez Bonhams.
 
L'artiste "n'a pas simplement représenté la jeune fille, il a représenté toute la tradition. C'est un symbole d'espoir et de régénération au Nigeria, le symbole du phénix renaissant de ses cendres", ajoute Ben Okri qui confie avoir "passé des heures à le regarder et à rattraper le temps perdu".

La famille qui possédait le tableau en avait hérité

Des reproductions du portrait en poster sont accrochées aux murs des maisons partout au Nigeria, raconte The Guardian.
 
Ben Enwonwu (1917-1994), un des premiers artistes nigérians à connaître la reconnaissance internationale, a peint trois versions de Tutu. Mais les trois tableaux avaient disparu jusqu'à ce que l'un d'eux soit retrouvé par Giles Peppiatt, directeur de l'art moderne africain chez Bonhams. Des particuliers l'avaient contacté après le succès de ventes d'art nigérian.
 
"Je suis entré dans cet appartement londonien et je l'ai vu accroché au mur, c'était à peu près la dernière chose que je m'attendais à voir", raconte Giles Peppiatt. "Dès que je l'ai vu, j'ai su qu'il était authentique mais je ne pouvais pas le dire aux propriétaires parce que vous ne pouvez pas sortir ça comme ça", ajoute-t-il.
 
Une fois la découverte authentifiée, la famille, "sans surprise, a été assez stupéfaite". Le portrait, exposé pour la dernière fois à l'ambassade d'Italie à Lagos en 1975, avait été acheté par le père de ses propriétaires lors d'un voyage d'affaires et ils en avaient hérité.

Un symbole de paix

Les tableaux de "Tutu" sont devenus des symboles de paix après la guerre civile au Nigeria à la fin des années 1960.
 
"Le modèle est Yoruba et Ben Enwonwu était Ibo, donc issues de différentes ethnies", souligne Eliza Sawyer, spécialiste au département d'art africain de Bonhams. Le tableau a été un symbole important de réconciliation, juste après le conflit du Biafra à la fin des années 1960.
 
Enwonwu était tombé par hasard sur la plus célèbre de ses muses. "Il faisait le tour des villages et dessinait des scènes et des personnages locaux, quand il a rencontré cette jeune femme et a demandé de la peindre, pensant lui faire plaisir, ne connaissant pas son statut", raconte Eliza Sawyer. "Elle a été un peu surprise par la demande !".

Plus qu'une valeur financière

"C'était le sommet de la carrière de l'artiste, le modèle était une princesse et la peinture a été perdue, tout cela crée énormément de mystère". Selon Giles Peppiatt, l'artiste "était secrètement amoureux de son modèle, une très jolie femme".
 
Le tableau "est assez audacieux, avec la lumière sous le menton, qui attire l'attention sur la tête", décrit-il. Il est estimé entre 200.000 et 300.000 livres (226.000 à 339.000 euros).
 
Mais pour le romancier Ben Okri, sa valeur est plus que financière. "Ca nous donne un aperçu d'une importante recomposition africaine de l'art du portrait." Cela va "lancer un débat", estime-t-il. Les peintres africains n'ont "jamais eu" l'attention méritée, "c'est l'oeuvre parfaite pour commencer" à se demander pourquoi.
 

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