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La collection Campana, une fabuleuse somme d'art italien, exposée au Louvre

500 pièces de la collection du marquis Campana, c'est un trésor fabuleux que le Louvre expose. Ce banquier romain avait rassemblé au XIXe siècle plus de 15.000 oeuvres d'art italien, de l'Antiquité à son époque, que des ennuis financiers et judiciaires obligèrent à disperser et qui ont fini dans les collections françaises, russes et britanniques (jusqu'au 18 février 2019)
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Plaque Campana, 1er siècle av. J-C-1er siècle après J-C, Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines
 (musée du Louvre, dist RMN-Grand Palais / Hervé Lewandowski)

L'histoire de Giampietro Campana est un roman. Cette brillante figure de la société romaine connaîtra une chute brutale, à la mesure de sa grandeur. Né en 1808, il devient rapidement, après son père et son grand-père, directeur du Mont-de-Piété de Rome, institution financière importante des Etats pontificaux. Il est en relation avec la haute société romaine par sa position et avec les élites européennes par son mariage avec Emily Rowles, une anglaise proche de Napoléon III.
 
Il se met à acheter frénétiquement pour constituer la plus grande collection de son temps, et par son importance et par sa qualité.

"Procession au tombeau", Fin 1er siècle av J-C, Rome, Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines
 (RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle)

Un collectionneur compulsif

"Campana est une personnalité fascinante, un collectionneur boulimique, compulsif", raconte Laurent Haumesser, conservateur au département des antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre et co-commissaire de l'exposition. Le marquis accumule les objets et constitue d'importantes séries. Mais sa passion va plus loin que l'amour de l'art, elle s'inscrit dans l'Histoire de l'Italie, à l'époque du mouvement du Risorgimento, qui va bientôt mener à l'unification du pays alors constitué de plusieurs Etats.
 
En réunissant pendant 30 ans, entre 1830 et 1850, cette immense collection, le marquis Campana veut "dresser un portrait d'une jeune nation, montrer le génie italien, de l'Antiquité à l'époque moderne", réalisant une espèce de "rêve d'Italie", souligne Laurent Haumesser.
Sarcophage dit "Sarcophage des époux", Cerveteri (nécropole de Banditaccia), vers 520-510 av. J-C, Musée du Louvre, département des antiquités grecques, étrusques et romaines
 (musée du Louvre, dist RMN-Grand Palais / Philippe Fuzeau)

Il lance se propres fouilles archéologiques

Campana ne se contente pas de s'approvisionner sur le marché, il lance aussi de formidables fouilles archéologiques, comme l'avait fait son grand-père avant lui, à Rome, Ostie, Cerveteri, Veies.
 
Antiquités donc, sculptures, terres cuites et magnifiques majoliques (faïences décorées), peintures, Campana est tellement pris dans la folie collectionneuse qu'il finit par financer une partie de ses acquisitions sur les fonds du Mont-de-Piété.
 
Pris la main dans le sac en 1857, il est arrêté, jugé, condamné à 20 ans de prison, une peine commuée en exil à perpétuité. Il doit céder sa collection à l'Etat pour rembourser ses dettes.
Pietro di Domenico da Montepulciano, "La Vierge de miséricorde", vers 1425-1427, Avignon, musée du Petit Palais
 (L'oeil et la mémoire / Fabrice Lepeltier)

Napoléon III acquiert une grande part du trésor

A ce moment-là, la collection de Campana est très connue en Europe, elle figure même dans les guides de voyage. L'Angleterre, la Russie et la France se battent alors pour l'acquérir. Le tsar Alexandre II en achète une part importante, qui est conservée au musée de l'Ermitage, Londres a aussi sa part. Napoléon III en récupère une grande partie, 10.000 pièces, soit un trésor, réparti entre le Louvre et de nombreux musées de régions.
 
"Ce que nous vous proposons aujourd'hui, c'est de voir pour la première fois une collection comme vous ne l'avez jamais vue, telle que Campana lui-même ne l'a jamais vue", annonce Laurent Haumesser. Même Campana, car elle était tellement importante qu'il devait l'exposer en plusieurs lieux, dans ses différentes propriétés romaines et même au Mont-de-Piété où il avait aménagé des salles pour montrer ses terres cuites. En témoignent quelques photos et tableaux qui en gardent la mémoire.
"Cratère en calice à figures rouges", Athènes, signé par Auphronios, peintre, et attribué à Euxithéos, potier, vers 515-510 av. J-C, Etrurie, Musée du Louvre, département des antiquités grecques, étrusques et romaines
 (musée du Louvre, dist RMN - Grand Palais / Stéphane Maréchalle)

Des catalogues

Témoins de son ambition "muséale", Campana avait fait réaliser des catalogues par genre qui répartissaient les œuvres en douze classes, huit classes antiques et quatre classes modernes. C'est ce classement que suit l'exposition sur un parcours très classique mais qui permet de réaliser l'importance des séries constituées. Ce sont 500 chefs-d'œuvre qui sont présentés au Louvre, beaucoup d'œuvres du musée mais aussi des prêts du musée de l'Ermitage et du Petit-Palais d'Avignon.
 
On a d'abord les vases antiques (Campana en a eu jusqu'à 3800) décorés, essentiellement des vases grecs importés, qui attestent de la circulation des productions de céramique dans la Méditerranée antique.
 
Les fabuleux bijoux antiques ont souvent été copiés par les contemporains de Campana. Ils faisaient partie de la collection d'objets précieux, qui comprenait aussi des pièces, seule partie de la collection restée en Italie.
Coupe, portrait de profil de "Virginia Bella", vers 1530-1540. Musée du Louvre, département des objets d'art
 (RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Jean)

Pièce manquante de la main de Constantin

Au chapitre des bronzes, Campana collectionnait aussi bien des morceaux d'armures que des objets du quotidien. A remarquer, cette curiosité : un doigt géant qui vient d'être identifié comme appartenant sans doute à la célèbre main de la statue colossale de l'empereur Constantin, conservée à Rome, aux musées du Capitole.
 
Les terres cuites n'avaient pas beaucoup intéressé les collectionneurs jusque-là. Campana en était fou : des statuettes aux sarcophages en passant par les urnes funéraires ou les plaques architecturales à décor figuré. A noter, le Sarcophage monumental dit "des époux", chef-d'œuvre de l'art étrusque, découvert en 1845-46, figurant un couple allongé sur un lit de banquet.
 
Campana était aussi passionné de céramique plus moderne, notamment les majoliques du 15e et 16e siècles, ces faïences italiennes décorées aux belles couleurs. Il en a possédé 641.
 
Les verres, jusque-là, avaient également été peu collectionnés. On remarquera de fabuleuses urnes funéraires, dans un état de conservation exceptionnel.
Paolo Veneziano, "La Vierge et l'Enfant avec saint François d'Assise et saint Jean Baptiste, Saint Jean l'Evangéliste et saint Antoine de Padoue", 1340-1345. Musée du Louvre, département des Peintures
 (RMN - Grand Palais (Musée du Louvre) / Gérard Blot)

Une formidable collection de peintres "primitifs" italiens

Campana s'est intéressé à la peinture, bien sûr. Il a constitué une des plus importantes collections de peintures antiques de l'époque, de belles fresques étrusques, parfois très restaurées, des peintures romaines détachées de maisons ou de tombeaux découverts dans la région de Rome.
 
C'est assez tard qu'il a constitué un ensemble de peintures plus récentes, 646 tableaux. Il avait l'idée de montrer la peinture italienne dans toute sa diversité, représentée par un maximum d'artistes. Particularité de sa collection, le nombre des "primitifs" italiens, ces peintres du 13e, 14e et 15e siècles, qui ont amené à la Renaissance. Ils sont 400 soit près des deux tiers. Une partie des peintures de Campana ont été acquises par Londres mais le reste s'est retrouvé dans les collections françaises, dispersé dans une centaine de villes de France. Depuis 1976 une partie a pu être rassemblée au musée du Petit Palais d'Avignon.
Paolo di Dono, dit Uccello, "La Bataille de San Romano : la contre-attaque de Micheletto da Cotignola", vers 1438. Musée du Louvre, département des peintures
 (RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi)

Giotto, Botticelli, Signorelli

On remarquera un triptyque bolonais du 14e siècle, une monumentale croix peinte de l'atelier de Giotto, une "Nativité de Saint Jean Baptiste" du 14e attribué à Andrea di Nerio, actif à Arezzo.
 
Et aussi, pour l'art de la Renaissance, une "Vierge et l'enfant", œuvre de jeunesse de Sandro Botticelli, perle du Petit Palais d'Avignon ou, de l'atelier du même peintre, un petit "Noli me tangere", ou encore une "Adoration des mages" de Luca Signorelli. Sans oublier "La Bataille de San Romano" de Paolo Uccello conservée au Louvre.
 
Impossible de parler de tout, tant il y a de chefs-d'œuvre réunis au Louvre dans cette exposition. Pour tous les goûts de surcroit, vu la diversité de domaines que couvre la collection Campana. Alors courez-y.

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