Une fausse pêche miraculeuse
Baptisé "Treasures from the Wreck of the Unbelievable" ("Trésors de l'épave de l'Incroyable"), il conte la légende de "l'Incroyable", un vaisseau qui sombra il y a des siècles au large des côtes d'Afrique, emportant avec lui sa cargaison inestimable.
Dans les cales du navire, des sphynx venus d'Egypte, des statues grecques, des colosses de bronze, de l'or, des bijoux et des armes à profusion.
Ce trésor englouti, Damien Hirst fait mine de l'avoir retrouvé au fond de l'océan Indien. Il l'aurait ensuite extrait des profondeurs au cours d'une prétendue campagne de fouilles sous-marines dont les vidéos sont projetées au fil de l'exposition.
A Venise, le plasticien expose le fruit de cette pêche miraculeuse dont les pièces sont encore recouvertes d'algues durcies, de coraux ou de coquillages, autant d'empreintes que la mer a déposées au fil des siècles.

"Cronos dévorant ses enfants", une oeuvre de Damien Hirst exposée à Venise dans le cadre de "Treasures from the Wreck of the Unbelievable".
© Andrea Merola/AP/SIPA
Antique ou moderne ? Hirst cultive l'ambiguïté
Et cette collection de bijoux: est-elle vraiment en aluminium thermolaqué et polyester, tout comme ces torses "antiques" ou ce Cerbère ?
On reste perplexe devant cette statue gréco-romaine à tête de mouche inspirée du poème épique d'Ovide, "Les Métamorphoses". De même qu'on est troublé par ces déesses ou monstres marins qui mêlent le style classique à l'esthétique des super-héros ou des mangas. Sans parler des bustes de Mickey recouverts de coraux multicolores, qui déconcertent.
"Le visiteur ne sait pas si les oeuvres qu'il voit sont restées deux mille ans au fond de l'eau ou si elles sont le résultat du travail de l'artiste. On est dans l'ambiguïté qui laisse la place au rêve", explique Martin Bethenod, directeur des Palazzo Grassi et Punta della Dogana. "Il y a différents niveaux d'interprétation qui se superposent et qui font la richesse et la complexité du projet", analyse-t-il.
Un tournant pour cet artiste obsédé par la mort
Il est connu pour son emblématique requin plongé dans du formol (1991), ou son célèbre "Mother and Child Divided" ("Mère et enfant séparés", 1993): une vache et son veau découpés dans le sens de la longueur et placés dans quatre vitrines.
"La mort, la décomposition sont depuis toujours au coeur de l'oeuvre de Damien Hirst mais elles sont ici traitées à contre-courant, comme si les oeuvres étaient ressuscitées", explique Martin Bethenod. "De même qu'en recréant des coraux en bronze, il reproduit l'action du temps qui n'est plus l'oeuvre de la nature mais celle de la main de l'homme", souligne-t-il.

Une sculpture de l'exposition "Treasures from the Wreck of the Unbelievable" de Damien Hirst à Venise.
© Awakening / Getty ImagesUn des artistes vivants les plus cotés

Le démon de 18 mètres de haut qui accueille le visiteur dans l'atrium du Palazzo Grassi à l'exposition de Damien Hirst "Treasures from the Wreck of the Unbelievable".
© Andrea Merola/AP/SIPA