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Tournée d'adieu : Johnny Clegg met fin à sa longue carrière engagée de "Zoulou blanc"

Ses refrains incarnent pour toujours la résistance à l'apartheid. Après avoir battu pendant quarante ans les scènes musicales du monde entier de ses pieds nus, le Sud-Africain Johnny Clegg a décidé de mettre un point final à sa carrière publique.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Johnny Clegg à Vaison la Romaine, Festival au fil des voix, août 2014
 (Angelique SUREL / MAXPPP )
A 64 ans depuis le 7 juin, le "Zoulou blanc" entame vendredi au Cap sa tournée d'adieu, qui doit l'emmener d'Afrique du Sud en Grande-Bretagne, en France, à Dubaï, aux États-Unis et au Canada. À la veille du premier concert de cette ultime série, celui qui n'a jamais renoncé à défier le régime raciste blanc de son pays explique avoir été contraint de céder à un cancer. "J'ai eu une carrière gratifiante à bien des égards (...), réussir à rassembler des gens grâce à des chansons, surtout à un moment où cela semblait complètement impossible", se félicite-t-il lors d'un entretien accordé à l'AFP dans sa maison de Johannesburg.

Le voyage que j'ai commencé quand j'avais 14 ans touche aujourd'hui à sa fin

"Je veux offrir à mes fans une sorte de conclusion, leur dire que le voyage que j'ai commencé quand j'avais 14 ans touche aujourd'hui à sa fin", poursuit l'artiste. Même si son cancer, diagnostiqué il y a deux ans, est désormais en rémission, Johnny Clegg préfère tirer sa révérence. "Mes spectacles sont très physiques, avec beaucoup de danses, et exigent que je sois fort", explique-t-il, "alors je voudrais faire mes adieux tant que j'en suis encore capable."

Son "Dernier voyage", ainsi qu'il a baptisé sa tournée d'adieu, sera très largement autobiographique. Il rappellera le harcèlement de la police de l'apartheid qui lui reprochait de jouer avec des musiciens noirs, comme le soutien des millions de fans qui, en Europe et notamment en France, en ont fait un héros de la réconciliation raciale.

La fascination de Johnny Clegg pour les danses et les mélodies zouloues a débuté dans les années 1960 dans les résidences pour travailleurs noirs de Johannesburg où il s'invitait secrètement pour danser avec les troupes traditionnelles. En bravant les lois de l'apartheid qui le lui interdisaient formellement. "Nous devions faire preuve de mille et une astuces pour contourner la myriade de lois qui empêchaient tout rapprochement interracial", raconte-t-il.
Johnny Clegg, lors de son mariage "zoulou" avec en 1989avec Jennifer Barlett
 (KUUS/SIPA)

Pieds nus levés très haut

En 1979, Johnny Clegg et son groupe "multicolore" Juluka sortent leur premier album, "Universal Men". Un mélange inédit de pop occidentale mâtinée de rythmes zoulous, d'accordéon et de guitare qui, contre toute attente, trouve immédiatement son public. "Les gens étaient très intrigués par notre musique", confie-t-il à l'AFP. Sur scène, les fredonnements et danses traditionnelles, les pieds nus levés très haut qui martèlent le sol, deviennent rapidement la marque de fabrique du "Zoulou blanc".

En 1987, il accède au statut de star mondiale avec la chanson "Scatterlings of Africa", extraite de l'album "Thirld World Child" enregistré avec le groupe Savuka, et qui le catapulte en tête des hit-parades en Grande-Bretagne et en France. "Personne ne savait exactement de quoi parlaient nos chansons, juste qu'il y était question d'Afrique", se souvient le chanteur. La chanson "Scatterlings of Africa" figurait initialement dans un précédent album de Johnny Clegg, "Scatterlings" (1982), gravé avec son groupe d'alors, Juluka.

Ami de longue date, percussionniste et partenaire de danse de Johnny Clegg dans les rues de Soweto et Jeppe (il danse avec Clegg dans le clip ci-dessus), Dudu Mntowaziwayo Ndlovu, surnommé Dudu Zulu, est mort assassiné par balles en 1992. Johnny Clegg lui a rendu hommage dans la chanson "The Crossing", sortie dans l'album "Heat, dust and dreams" (1993).

Hommage à Mandela

Johnny Clegg devient vraiment un artiste "politique" avec le titre "Asimbonanga" ("Nous ne l'avons pas vu", en langue zouloue), extrait de "Thirld World Child". La chanson rend hommage au dirigeant du Congrès national africain (ANC) Nelson Mandela, alors incarcéré depuis plus de vingt ans dans le pénitencier de Robben Island, au large du Cap.

La seule évocation de son nom est strictement interdite et totalement insupportable pour le régime de Pretoria, qui l'interdit. Aujourd'hui encore, "Asimbonanga" reste un des hymnes de l'Afrique du Sud "arc-en-ciel". Même célébré dans le monde entier, Johnny Clegg est arrêté à plusieurs reprises dans son propre pays, accusé de violer les lois sur la ségrégation raciale.
Ses concerts sont alors régulièrement interrompus par la police. "On ne pouvait pas se produire dans les lieux publics (...) alors on le faisait dans des endroits privés comme les églises ou d'autres enclaves non-raciales", se souvient-il. "Ma vie a été bouleversée par mon expérience de l'apartheid au quotidien", résume aujourd'hui Johnny Clegg.

De retour bientôt avec son autobiographie

Né au Royaume-Uni d'un père britannique et d'une mère chanteuse immigrée dans l'actuel Zimbabwe, il débarque à l'âge de 7 ans dans une Afrique du Sud où la minorité blanche règne en maître absolu sur la majorité noire. Initié aux cultures locales par son beau-père journaliste, Johnny Clegg assure que son refus de l'apartheid n'a rien de politique.
"Je n'étais pas motivé politiquement mais culturellement. J'aime la musique et la danse. J'aime la langue." Plus de cinq millions d'albums vendus plus tard, sa carrière touche donc à sa fin. Il a commencé à écrire son autobiographie et promet de continuer la musique. Mais plus sur scène.

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