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Mort de l'écrivain et dissident chinois Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix 2010

Le dissident chinois Liu Xiaobo est mort jeudi à l'âge de 61 ans, ont annoncé les autorités de la province du Liaoning, où le prix Nobel de la paix 2010 était hospitalisé pour un cancer du foie en phase terminale.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Le portrait de Liu Xiaobo montré par un exilé tibétain lors d'une manifestation de solidarité à Xiaobo le 12 juillet à Dharmsala en Inde, 
 (Ashwini Bhatia/AP/SIPA)

Le défenseur des droits de l'Homme chinois est décédé jeudi à l'âge de 61 ans. Sa mort a été annoncée par les autorités de la province du Liaoning, où le prix Nobel de la paix 2010 était hospitalisé pour un cancer du foie en phase terminale. Liu Xiaobo avait auparavant été détenu pendant plus de huit ans pour "subversion".

Il est le premier prix Nobel de la paix à mourir privé de liberté depuis le pacifiste allemand Carl von Ossietzky, décédé en 1938 dans un hôpital alors qu'il était détenu par les nazis. Ce symbole de la lutte pour la démocratie dans le pays le plus peuplé du monde avait été admis à l'Hôpital universitaire N°1 de Shenyang (nord-est de la Chine) après plus de huit années passées en détention.

La bête noire du régime communiste

Ancienne figure de proue du mouvement démocratique de Tiananmen en 1989, bête noire du régime communiste, l'écrivain et professeur de littérature avait bénéficié d'une mise en liberté conditionnelle après le diagnostic en mai d'un cancer du foie en phase terminale.
Le portrait de Liu Xiaobo exposé au Centre Nobel de la Paix à Oslo.
 (DANIEL SANNUM LAUTEN / AFP)
La nouvelle de son hospitalisation n'avait été annoncée que fin juin. Plusieurs organisations de défense des droits de l'homme et des proches de M. Liu avaient alors reproché à Pékin d'avoir attendu que son état de santé empire avant de lui permettre de sortir de prison, mais les autorités avaient affirmé qu'il était soigné par des cancérologues réputés. Pékin était alors opposé à son départ pour l'étranger et affirmait que son état lui interdit toute évacuation, contrairement à ce qu'ont affirmé dimanche deux médecins occidentaux admis à son chevet.

Le dissident avait fait savoir qu'il souhaitait suivre un traitement à l'étranger. Mercredi, la pression internationale s'était accrue sur la Chine pour qu'elle laisse partir l'activiste. Les Etats-Unis et l'Allemagne avaient conjointement appelé à sa libération. Pékin avait refusé une telle demande, craignant une ingérence dans ses affaires intérieures. 

Une hospitalisation dénoncée

L'Hôpital universitaire N°1 de Shenyang diffusait depuis chaque jour des communiqués alarmistes, affirmant que le dissident était dans un état "critique". Dans un nouveau communiqué diffusé mercredi, l'hôpital affirmait que ses fonctions hépatiques continuaient à se détériorer. L'hôpital avait également indiqué mardi qu'il était sous dialyse et en choc septique.

"Comme les autorités contrôlent toutes les informations concernant l'état de santé de Liu Xiaobo, il est difficile de vérifier la véracité des communiqués publiés par l'hôpital sur son site internet", confiait à l'AFP Patrick Poon, responsable Chine d'Amnesty International. "Mais on peut légitimement se demander si les autorités ne publient pas ces informations afin de justifier leur refus de le laisser quitter le pays", observait-il. "Nous ne savons pas dans quelle mesure il s'agit de rapports médicaux professionnels ou bien d'informations manipulées à des fins politiques", abonde Maya Wang, de l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch. Les Etats-Unis avaient d'ailleurs à nouveau proposé mardi d'accueillir Liu Xiaobo pour qu'il reçoive un traitement médical.

Ye Du, un dissident proche de la famille de Liu Xiaobo, avait expliqué que Pékin voulait détenir l'opposant politique "jusqu'à la mort". Hors de Chine, Liu Xiaobo "pourrait s'exprimer politiquement en tant que lauréat du prix Nobel, ce qui aurait un impact négatif sur le parti et sur le pays", avait-il déclaré à l'AFP. Liu Xiaobo avait été arrêté en décembre 2008 puis condamné un an plus tard pour subversion à 11 ans de prison. Le régime communiste lui reprochait d'avoir corédigé un manifeste, la Charte 08, prônant notamment des élections libres.

Prix Nobel de la paix inconnu en Chine

L'opposant avait appris depuis sa cellule qu'il avait obtenu le prix Nobel de la paix en 2010. Le comité Nobel entendait récompenser à travers lui "un long combat non violent pour les droits humains fondamentaux en Chine". Lors de la cérémonie de remise du prix à Oslo, il avait été représenté par une chaise vide.
En 2010, la remise du Prix Nobel de la Paix à Liu Xiaobo s'est faite en son absence.
 (ODD ANDERSEN / AFP)
Dans un texte lu à la cérémonie, ce dissident - plus modéré que certains autres envoyés en exil à l'étranger - se faisait fort de "répondre à l'hostilité du régime par la bonne volonté et à la haine par l'amour". Pékin avait très mal pris l'attribution du Nobel à "un condamné" et avait gelé ses relations avec la Norvège. Celles-ci ne se sont normalisées qu'en décembre 2016, au grand soulagement des exportateurs de saumon norvégien.

L'annonce du décès de Liu Xiaobo tombe mal pour Pékin, mettant en lumière son traitement des opposants politiques à l'approche du XIXe congrès du Parti communiste chinois, qui devrait accorder un nouveau mandat au président Xi Jinping à la tête du pays. Depuis son arrivée au pouvoir fin 2012, la répression politique s'est encore accrue : après avoir réprimé les défenseurs des droits de l'homme, Pékin s'est attaqué à leurs avocats, interpellant par dizaines juristes et militants.

Le nom du prix Nobel est tabou dans la presse officielle, hormis les journaux en langue anglaise qui le qualifient de "criminel condamné". Liu Xiaobo reste généralement inconnu du grand public dans son pays.

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