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"Aveu de faiblesses", roman noir, social, glaçant, de Frédéric Viguier

"Aveu de faiblesses" de Frédéric Viguier (Albin Michel) est un roman noir qui met en scène un jeune garçon roux et obèse accusé (à tort ?) du meurtre de son petit voisin. Frédéric Viguier mène son récit de main de maître, tenant le lecteur en haleine jusqu'à la dernière ligne.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Frédéric Viguier publie "Aveu de faiblesses" (Albin Michel)
 (Roberto Frankenberg)
L'histoire : "Je suis laid, depuis le début", voilà comment commence ce que l'on lit comme une longue confidence faite au lecteur par Yvan Gourlet, adolescent solitaire, roux, obèse, mal dans sa peau… Il faut dire que sa mère est un peu excentrique : elle sculpte des animaux dans le beurre et collectionne les étiquettes de boîtes de camembert. Comme il faut bien les manger (le beurre et le camembert), Yvan se dévoue. "Avec les sculptures, on beurre nos tartines", raconte-t-il. D'où l'obésité, et tout ce qui s'en suit. Le père, lui, n'est pas tellement d'accord pour engloutir les kilos de beurre et de fromage générés par les passions de la mère. "Il ne trouve pas ça bon pour la santé." Alors pour éviter les reproches, Yvan fouille dans les poubelles pour dégoter pour sa mère des couvercles de camembert.

Et voilà comment un jour sa vie bascule, "à cause des couvercles de boîtes de fromage". À l'école et partout, Yvan est raillé, moqué, bousculé. Il encaisse, et se réfugie auprès de sa mère qu'il trouve belle, courageuse, jamais fatiguée, jamais malade, irréprochable. Un jour, un enfant est retrouvé mort, assassiné dans la zone industrielle où Yvan a fait les poubelles pour trouver les précieux emballages de fromage. Il est arrêté, interrogé, jusqu'à ce que les méthodes brutales des policiers qui tentent par tous les moyens de faire coincider les faits avec le scénario qui les arrange portent leurs fruits. À bout de forces, Yvan avoue le meurtre de l'enfant…

Misère et cruauté

Frédéric Viguier déroule son récit à la première personne, installant d'emblée le lecteur du côté de ce pauvre garçon bouc émissaire, victime de la violence, de la folie de sa mère, du système qui l'accable. On tremble et on souffre avec lui, pressés de dénouer cette affaire pour faire éclater son innocence…

On pense évidemment à l'affaire Patrick Dils, jeune homme de 16 ans injustement condamné à la perpétuité deux ans plus tard pour le meurtre de deux enfants à Montigny-lès-Metz en Moselle, reconnu innocent 15 ans plus tard. Mais ce roman haletant de bout en bout conduit le lecteur de surprises en surprises, jusqu'à l'issue finale, inattendue.

Le romancier trace à travers la voix d'Yvan le portrait d'une société industrielle moribonde, encrassée par la misère. Misère économique, sociale, culturelle, qui confine les êtres dans des états de "faiblesses". Une misère telle que c'est en prison qu'Yvan trouve enfin le lieu de son épanouissement. Frédéric Viguier décrit implacablement les mécanismes d'acharnement contre ce garçon bouc émissaire condamné à supporter la haine qu'il déchaîne parce qu'il est différent. Une démonstration parfaite, un brin ébranlée par le dénouement…
 
"Aveu de faiblesses", de Frédéric Viguier
(Albin Michel – 2015 pages – 18 €)

Extrait :
"Je suis laid, depuis le début. On me dit que je ressemble à ma mère, qu'on a le même nez. Mais ma mère, je le trouve belle. Elle est courageuse, si différente de moi."

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