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"Les deux vies de Baudouin", l'hymne à la vie en BD de Fabien Toulmé

Avec "Les deux vies de Baudouin" (Delcourt), Fabien Toulmé signe un roman graphique sensible, qui aborde avec pudeur la question des sentiments fraternels, de la relation au père, de la maladie et de la mort. Mais ce nouvel album chante surtout la vie, et ce que l'on choisit d'en faire.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
"Les deux vies de Baudouin" (Delcourt), page 209
 (Fabien Toulmé)

Baudouin, la petite trentaine, méticuleux et solitaire, crâne légèrement dégarni, lunettes, imperméable gris, a tout du juriste qu'il est, bien intégré dans la société. Pourtant, dans le tiroir de son bureau, un compte à rebours : le nombre de jours qu'il lui reste à tirer avant la retraite. Ce matin-là comme d'habitude il essuie les quolibets de son arrogant collègue Jean-Luc quand le téléphone sonne.

"Les deux vies de Baudouin", page 68
 (Fabien Toulmé / Delcourt)
C'est son frère Luc, médecin dans une ONG, de passage à Paris. Ils prennent rendez-vous pour déjeuner. Les deux frères se retrouvent sur une terrasse de café dans le quartier de bureaux de Baudouin. Luc est sur le départ, il doit repartir pour Cotonou et se moque gentiment de son frère : "Ben alors mon gars faut sortir un peu ! C'est pas en faisant des aller-retours banlieue-dortoir/La Défense que tu vas rencontrer quelqu'un."

Au café c'est Luc qui choisit les plats, "Visiblement ton travail t'emmerde toujours autant. Pourquoi tu changerais pas ? Pourquoi tu ferais pas quelque chose qui te plaît vraiment ?", dit Luc à son frère. Ce qui lui plaît vraiment à Baudouin c'est la musique. Adolescent il jouait de la guitare, faisait partie d'un groupe. "Mais je vivrais de quoi ?", sert-il à son frère. Alors Baudouin rêve. Dans le métro, la nuit, pour prendre de la hauteur. Il se souvient aussi de son enfance avec son grand frère plein de vie, intrépide, alignant les succès avec les filles, et d'un père qu'il a le sentiment de toujours décevoir (les planches sont alors légèrement voilées).
"Les deux vie de Baudouin" (Delcourt), page 5
 (Fabien Toulmé / Delcourt)

Changement de cap

Quelques jours après son déjeuner avec Luc, Baudouin se découvre sous la douche une grosseur sous le bras. Il en parle à son frère qui l'envoie chez un de ses confrères cancérologue. Diagnostique : cancer. Baudouin n'en a plus que pour quelques semaines, "quelques mois au plus", précise le médecin. Après le choc, et quelques jours de déprime, Baudouin décide de tout plaquer pour suivre son frère au Bénin, une liste de choses à accomplir avant de mourir…

Dans "Ce n'est pas toi que j'attendais", publié aux éditions Delcourt en 2014, Fabien Toulmé avait raconté l'arrivée dans un couple d'un enfant handicapé. Il aborde cette fois la question de la maladie et de la mort, en l'attrapant une fois encore côté lumineux, car "Les deux vies de Baudouin" est avant tout un album qui chante la vie.
"Les deux vies de Baudouin" (Delcourt, pages 167-168)
 (Fabien Toulmé / Delcourt)
Le dessinateur exprime avec finesse les tourments intérieurs d'un homme enfermé dans une vie étriquée qui ne lui convient pas, et qui à l'annonce de la maladie et devant la perspective d'une mort imminente se décide enfin à vivre sa vie. Ce tournant est aussi l'occasion de faire le point sur ses relations familiales, et d'exprimer ses sentiments à son père, un homme exigeant et taiseux. 

On s'attache aux personnages : le timide Baudouin, et son frère Luc flamboyant, plein de vie, qui séduit tout ce qui bouge et qui se révèle au fil du récit plus complexe qu'il n'y paraît. Ce roman graphique dessine aussi très beau portrait de la fraternité. Un album à la fois émouvant (gorge serrée et quelques larmes, quand même) et vivifiant comme un vent venu du large.
 
"Les deux vies de Baudouin", Fabien Toulmé (Delcourt/Mirages - 272 pages – 27,95 €)

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