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"La fabrique pornographique", de Lisa Mandel : une plongée dans le monde du X en bandes dessinées

Associer un sociologue et un auteur de BD, c'est l'idée de "Sociorama", une nouvelle collection des éditions Casterman. "La fabrique pornographique", album signé Lisa Mandel, est une fiction qui plonge le lecteur dans le monde du hard. Une fiction, mais où tout est vrai.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4 min
"La fabrique pornographique", Lisa Mandel, d'après une étude de Mathieu Trachman
 (Lisa Mandel / Sociorama-Casterman)

Sociorama, la collection qui marie sociologie et BD

"J'ai rencontré des sociologues lors d'un colloque sur la sociologie et la BD", explique Lisa Mandel, qui avait déjà abordé de manière informelle la sociologie avec son album "HP" (L'association). De cette rencontre est née une association "Socio en cases", puis une collection de BD, "Sociorama", qui associe le travail de jeunes sociologues de l'ENS et de jeunes auteurs de BD.
"La fabrique pornographique", Lisa Mandel (page 22)
 (Lisa Mandel / Sociorama-Casterman)
"Les sujets de thèse de sociologie, c'est un matériel extraordinaire pour faire de la BD", explique la dessinatrice, "et c'est aussi une manière de rendre les travaux des sociologues plus visibles", poursuit Lisa Mandel. Les sociologues produisent un travail au long cours, "plusieurs mois, parfois même plusieurs années", explique Lisa Mandel. "Et avec leurs travaux on entre dans le quotidien de gens ou de société que l'on connait mal", explique la dessinatrice. "Tout le monde s'intéresse à la sociologie, mais tout le monde n'a pas le temps de se plonger dans des livres de 300 pages", explique Yasmine Bouagga, sociologue et co-directrice de la collection. "Souvent enfermés dans leur jargon et leurs théories, les sociologues ont trouvé dans la BD un moyen de plonger dans les univers sociaux de manière plus accessible", dit-elle. D''où l'idée d'une collection qui marie auteurs de BD et Sociologues.

"Tout est vrai"

Pour "La fabrique pornographique", comme pour tous les albums de la collection, il y a d'abord une étude, qui est la source unique d'inspiration de la BD. Lisa Mandel a travaillé à partir d'une étude menée par Mathieu Trachman. "On part de l'étude, de ses observations et de ses résultats, pour en faire un récit fictionnel", explique Lisa Mandel, qui dit s'être inspirée des personnes interrogées pour construire les personnages de "La fabrique pornographique", comme Howard, le personnage principal, arrivé un peu par hasard dans la pornographie et que l'on fait tourner avec les vieilles actrices pour cause de racisme du milieu, "tout ça c'est vrai", explique Lisa Mandel.
Lisa Mandel sur le stand Casterman à Angoulême
 (Laurence Houot / Culturebox)
"Je me suis servi des données et des témoignages qui sont dans l'étude de Mathieu Trachman ("Le travail pornographique", La Découverte - 2013) et de rien d'autre, c'est le principe de la collection, on ne va pas chercher d'autres sources d'information", poursuit la dessinatrice, qui dit avoir quand même été obligée de regarder des films porno pendant 6 mois pour documenter ses dessins. "Au début c'était marrant mais à la fin franchement j'en avais marre", sourit-elle. "Avant publication, tout est revu par un comité scientifique, constitué de sociologues", souligne la dessinatrice.
"La fabrique pornographique", page 24 (détail)
 (Lisa Mandel / Sociorama-Casterman)
Le résultat : une plongée dans le monde du porno sous forme d'une vraie histoire, qui fait tomber les clichés en informant sur les pratiques et les réalités de ce milieu, sans qu'on ait l'impression de lire une thèse : motivation des actrices, organisation des tournages, salaire… L'album aborde tous les aspects de l'industrie pornographique.

BD du réel

Cette nouvelle collection s'inscrit dans une mouvance en plein développement : la BD documentaire, journalistique ou sociologique. On le voit avec la Revue dessinée, un magazine trimestriel qui publie des reportages en bandes dessinées sur des sujets de société.

"C'est un média formidable pour ça", explique Lisa Mandel. "On peut tout faire. C'est beaucoup plus facile et discret d'entrer partout avec un petit carnet et un crayon qu'avec une caméra. On peut rendre compte d'une réalité sans contrainte de budget, on peut exploser un avion en plein vol, ça coûte pas un rond en effets spéciaux", explique-t-elle. "Et puis ça rend la digestion plus facile aussi", ajoute la dessinatrice. Et c'est vrai, "La fabrique pornographique", c'est trash, mais le trait à la fois drôle, tendre et direct de Lisa Mandel installe une distance qui débarrasse le lecteur de sa gêne.

Le format des albums, plus proche du roman que de la BD, impression en noir et blanc sur un papier brut, fait de cette collection une série bien typée. En même temps que "La fabrique pornographique" sort "Chantier interdit au public" de Claire Braud d'après une enquête de Nicolas Jounin, qui plonge dans la réalité du travail dans le BTP (travail au noir des sans papiers, pratiques des agences d'intérim, racisme, accidents du travail…). Quatre autres albums sortiront ensuite d'ici août, sur une compagnie aérienne, les séducteurs de rue, les médias en banlieue, ou les coulisses de la grande distribution. La collection prévoit de publier 6 albums par an.
Couverture de "La fabrique pornographique", Lisa Mandel 
 (Lisa Mandel / Sociorama-Casterman)
La fabrique pornographique Lisa Mandel, d'après une enquête de Mathieu Trachman
(Sociorama/ Casterman – 165 pages – 12 euros)
Chantier interdit au public Claire Braud, d'après une enquête de Nicolas Jounin 
(Sociorama/ Casterman – 165 pages – 12 euros)

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