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Matisse, Truffaut, Ben, Varda : la Promenade des Anglais, éternelle inspiratrice des artistes

Nice s'apprête à commémorer l'attentat dévastateur survenu l'an dernier sur la célèbre Promenade des Anglais. Etape obligatoire de la Côte d'Azur, la Baie des Anges est aussi un haut lieu d'inspiration artistique. Matisse, Ben et les cinéastes du monde entier ont arpenté celle que les Niçois surnomment La Prom'.
Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
"La Promenade des Anglais" de Nice a toujours inspiré les artistes locaux et les cinéastes du monde entier
 (France 3 / Culturebox )

La rédaction de France 3 Nice revient sur l'emblématique Promenade des Anglais. Qu'elle soit inondée de bleu et de soleil, secouée par les vents marins, ou terrassée par un camion tueur, cette large baie qui embrasse tout le littoral niçois reste digne et majestueuse. Une élégance naturelle dont les artistes se sont emparés pour créer des oeuvres prestigieuses. De Matisse à Ben en passant par tous les films tournés sur la Prom', retour en images sur une histoire unique de la Côte d'Azur. Comme tous ces grands lieux mythiques, la Baie des Anges nourrit aujourd'hui un nouveau rêve : celui de devenir Patrimoine mondial de l'Unesco.

Une série réalisée par M. Roubaud-Soutrelle / D. Delahaye / J. Gross / G. Perrette / C. Fabre

Matisse et Nice : un amour par temps de pluie

Matisse, l'homme du Nord, débarque à Nice fin 1917 pour soigner une bronchite. Pendant plus d'un mois il pleut quasiment sans interruption. Mais l'artiste tombe amoureux de ce nouvel horizon. "C'est exactement cela qui l'a intéressé, quand il parle de la lumière de Nice ce n'est pas forcément le soleil mais c'est aussi toutes les nuances de gris et de lumière", souligne Claudine Grammont, Directrice du Musée Matisse de Nice. Il s'installe au 105 quai des Etats-Unis puis déménage à l'Hôtel de la Méditerranée avec toujours la même vue immuable sur la mer et l'immensité.
Toute sa vie, le peintre va contempler et peindre la promenade des Anglais sous de multiples facettes.  Fasciné par le vaste horizon bleu de la mer et la luminosité du ciel de Nice, il travaille dans l'univers feutré des chambres de l'hôtel Beau Rivage pour utiliser la lumière filtrée par les persiennes.

Quand j'ai compris que chaque matin je reverrais cette lumière, je ne pouvais croire à mon bonheur. Je décidai de ne pas quitter Nice, et j'y ai demeuré pratiquement toute mon existence

Henri Matisse

A la fois contestataire et engagé avec son ami le poète Aragon, Matisse est aussi admiré par les politiques. Jean Médecin, le maire "légendaire" de Nice lui commande une affiche publicitaire sur laquelle on peut lire le slogan : "Nice, travail, joie". 
 

Matisse a rendu la Prom' célèbre dans le monde entier grâce à cette affiche qui a été peinte à Vence !

Alex Benvenuto - Auteur de "Henri Matisse Nice-Vence 1917-1954"
  (France 3 / Culturebox / Capture d'écran)

Promenade des anglais : une vague de cinéma

La Côte d'Azur, Nice et plus précisément la Promenade des Anglais impressionne encore les archives du cinéma. Le premier à être séduit pas cette large baie est Jean Vigo. En 1929, le cinéaste  tourne "A propos de Nice" un documentaire muet d’une vingtaine de minutes filmé en une seule journée. Il profite de la lumière incroyable de Nice sans passer par les studios. 

Considéré comme le Hollywood français, les tournages à Nice se succèdent dès 1919 et donnent lieu à de nombreux chef-d’œuvre. La passion pour Nice est avant tout le fait de passionnés de cinéma. Serge Sandberg et le producteur Louis Nalpas qui, en 1919, achètent dans le quartier de Saint-Augustin, à l’ouest de Nice, une propriété résidentielle de sept hectares appartenant au duc de Rivoli, la Victorine. Ces fameux studios qui réalisent le rêve de François Truffaut. L’enfant terrible de la Nouvelle Vague y situe l'action de son film "La Nuit Américaine" sorti en 1973.
  (DR)
Dix ans plus tôt, Jacques Demy y tourne "La Baie des Anges" avec Jeanne Moreau et Claude Mann. Le cinéaste des "Parapluies de Cherbourg" change de style mais garde les bords de mer. Toutes les scènes sont réalisées en lumière et décor naturels. Le noir et blanc chic et précieux et la chevelure blond platine de Jacques Moreau embarquent le spectateur derrière le clair-obscur des tables de casino.  Agnès Varda, l'amoureuse des plages fait, elle aussi, son petit tour sur la Prom'. En 1958, la municipalité de Nice lui commande un film promotionnel. La dilettante va y répondre à sa manière avec "des chemins de traverse en montrant les beautés de la Côte d'Azur avec plein d'humour et d'impertinence", raconte Hélène Guenin, Directrice du MAMAC Nice.

La côte d'azur c'est le beau cimetière de la France avec vue imprenable et mer toujours recommencée. Le mort d'azur est un touriste de qualité

"Du côté de la côte" - Agnès Varda 1958
Les Américains viennent aussi tourner sur la French Riviera, comme Alfred Hitchcock pour "La Main au collet" (1955), avec Cary Grant et Grace Kelly. 

Une Baie des anges... et des contestataires 

Musée à ciel ouvert, la Promenade des Anglais est aussi le théâtre de toutes les performances artistiques.

Depuis les années 40 et le peintre Yves Klein dont le fameux bleu rappelle tant le ciel niçois, le front de mer bordant la Baie des Anges a été le théâtre de nombreuses créations. Dès l'après-Guerre, les artistes se nourrissent de La Prom'.

Le bleu d'Yves Klein 
 (Nerea González/EFE/Newscom/MaxPPP)

 Associé dès 1947 au sculpteur Arman et au poète Claude Pascal, Yves Klein est l'un des premiers à voir dans la promenade des Anglais autre chose qu'un site touristique et à en tirer matière à création. Depuis, les inspirations se sont succédées et les oeuvres aussi. 

A partir des années 50 une bonne partie de l'Ecole de Nice s'est exprimée sur la Promenade des Anglais, théâtre d'étonnantes expérimentations. Parmi les actions les plus impressionnantes on se souvient du truculent Ben Vautier. En 1964, l'artiste originaire de Nice, se jette dans la mer tout habillé et ficelé de coton. 

C'était un lieu de débat assez important où l'on pouvait se poser des questions sur l'art et sur l'humanité

Ben

Lieu de passage, la Promenade des Anglais est aussi le lieu pour exprimer son opinion à ciel ouvert. En 1975, l'artiste contestataire Olivier Garcin organise un feu d'artifice pour dénoncer le nucléaire. 

En pleine période de la Guerre Froide et de construction de nos centrales nucléaires, ce geste était à la fois poétique et dénonciateur

Olivier Garcin

La provocation est aussi au centre du travail du performeur. Spécialiste des "happenings", part en vélo de la Prom', direction : Pekin. But de voyage : apporter un message de paix à Mao. Faute de visa, sa performance s'interrompt à la frontière chinoise. 
 

Pierre Pinoncelli
 (France 3 / Culturebox / Capture d'écran)

La Promenade des Anglais c'est un territoire où l'on va simplement chercher de l'inspiration. Si elle n'existait pas cet événement n'aurait pas lieu

Olivier Garcin

Qu'ils soient connus dans le monde entier ou de simples amateurs, les artistes entretiennent une relation passionnée avec cette éternelle Baie des Anges. Chaque jour, ils sont des dizaines à s'installer devant le plus beau théâtre du monde.  

 

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